Ils sont ce qu’il convient d’appeler les « Anges de la Transition », au regard des missions qu’ils se sont assignés, c’est-à-dire soutenir «le capitaine Ibrahim Traoré pour qu’on ne le fasse pas descendre». Pour ce faire, ces « anges » veillent chaque nuit au Rond-point des Nations Unies, à un jet de pierre de la Présidence du Faso.
Impossible de rater les « Anges de la Transition » qui ont établi leur quartier général au Rond-point des Nations Unies au Centre-ville de la capitale bukinabè. Installés entre le siège du Conseil économique et Social (CES) et le Rond-point, les membres du Collectif des Leaders panafricains (CLP) disent avoir fait de ce lieu un centre de « veille », dans l’objectif de « s’interposer en cas de tentatives de déstabilisation de la Transition ».
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Jeudi 23 mars 2023 ! 21h15 ! Des engins à deux roues garés, des véhicules quatre roues, certains recouverts des drapeaux du Burkina Faso, du Mali et de la Russie ! Une fourgonnette avec des plats thermos est bien visible. Plus tard on se rendra compte que c’est de la nourriture pour les campeurs. A un peu plus de cent mètres, un pick-up avec des agents de la Police nationale est positionné.
Quelque temps après, deux militaires en tenue léopard arrivent sur une grosse moto et garent. Pendant que celui au guidon regarde la route, le second nous observe. Entre 2 ou 3mn après cette inspection, ils démarrent et se dirigent vers la Présidence du Faso.
Méfiance, quand nous abordons les membres du Collectif pour des échanges. Ils nous posent d’abord d’interminables questions avant de procéder à un contrôle d’identité. Cela fait, ils discutent entre eux pour savoir qui va parler!
« Au Burkina il n’y a pas la vérité »
Le vice-président du Collectif des Leaders panafricains, Mahamady Zoungrana, nous confie que « depuis le 8 février », ils se regroupent « de 19h à 6h du matin». Interrogé sur les raisons de leur présence, notre interlocuteur nous fait comprendre que le Collectif des Leaders panafricains qui serait constitué d’une dizaine d’organisations de la société civile, a fait le « constat que sous la Révolution, il a manqué ce soutien à Thomas Sankara et c’est ce qui a fait qu’il a terminé dans des conditions que nous tous nous connaissons. Aujourd’hui, nous avons eu un capitaine à l’image de Thomas Sankara qui pose des actions en cohérence avec la jeunesse et le peuple, qui a adopté une démarche vers l’indépendance totale dans certains domaines comme ceux militaire, économique et social».
Le président du même Collectif, Hamadé Maïga, ajoute qu’ils sont « sortis pour chasser Roch Kaboré, ensuite Damiba » et ils soutiennent «le capitaine Ibrahim Traoré pour qu’on ne le fasse pas descendre». Il jure la main sur le cœur qu’il n’a « vu le capitaine Ibrahim Traoré qu’une seule fois et c’était à l’occasion de la rencontre avec les OSC ».
Le président du CLP a regretté le fait qu’ « au Burkina il n’y a pas la vérité ». Mais pour lui, « la vérité est venue maintenant », expliquant qu’ils « le (Ibrahim Traoré) supporte, ce n’est pas pour de l’argent. Parce que si c’est l’argent, nous nous n’allons pas nous arrêter au Rond-point des Nations unies ici. Moi j’ai une usine à Kossodo qui fabrique de l’aliment pour bétail».
« (…) une vieille est passée et nous a donné 1000 F CFA»
Le vice-président du Collectif des Leaders panafricains, Mahamady Zoungrana va plus loin. La veille nocturne que les membres du collectif font est désintéressée. « Pas de soutien financier du président de la Transition ou d’une quelconque personne. On le fait par nos propres fonds, et grâce à certaines bonnes volontés. Des passants souvent nous posent des questions, on décline nos objectifs et ils adhèrent. Ils nous donnent de l’argent pour l’eau, le pain, le carburant, … Sinon nous n’avons reçu des financements ni du gouvernement ni du président de la Transition. Le plus grand montant reçu, c’est 50 000 F CFA. Il y a une vieille qui est passée et nous a donné 1000 F CFA», confesse Mahamady.
A la question de savoir jusqu’à quand ils comptent rester là, la deuxième personnalité du Collectif explique qu’initialement, après le 28 février(date correspondant donné à la France de retirer son assistance militaire) le mouvement devrait marquer une pause. « Mais nous avons tenu une assemblée générale et on a décidé de terminer le mois de jeûne et on verra après. On pourrait arrêter si selon nos sources il n’y a pas de danger. Parce que nous ne sommes pas là de façon fortuite. On a senti qu’il y avait beaucoup de choses qui se passaient à l’interne comme des tentatives de coup d’Etat, de déstabilisation », explique notre interlocuteur.
« Tout n’est pas rose… »
Disant s’en remettre à la Charte pour la durée de la Transition, le vice-président qui a assuré principalement le porte-parolat du Collectif à notre micro, fait son analyse de la situation sécuritaire. Selon lui, il y a des motifs de satisfaction en témoigne les zones récupérées qu’il prend le soin de citer: Solenzo, Falangoutou, Tougouri. «Tout n’est pas rose certes, mais il y a la volonté et un espoir. Et c’est cet espoir qui nous fait vivre, qui nous fait penser qu’avec le capitaine qui est là, on peut arriver à l’objectif final qui est celui de récupérer tout le territoire national », clame M. Zoungrana.
Autour du rond-point, on peut apercevoir une banderole. « Election oui. Mais la sécurité d’abord », lit-on. En réalité, les membres du Collectif ne sont pas favorables à l’organisation des élections avec la situation actuelle du pays: « (…) De quelle élection on parle ? On dit que 2/3 du territoire ont été récupérés, peut-on élire un président dans ces conditions et pour quel suffrage ? Sur 20 millions de Burkinabè, beaucoup se sont déplacés », s’offusque un membre du collectif.
« Si le capitaine Traoré a pu en finir avec le terrorisme (…) »
En attendant, ils trouvent que « le capitaine Traoré est l’homme de la situation pour l’instant. Parce que jusque-là, il ne s’est pas encore écarté des objectifs qu’on s’est fixés. S’il dévie, il va trouver le peuple sur son chemin. Nous ne sommes pas des suivistes ». Le président du Collectif, lui est plus formel: « Si le capitaine Traoré a pu en finir avec le terrorisme, jusqu’à sa mort il sera notre président. On est prêts pour ça».
Les femmes ont voix au chapitre au Collectif des Leaders panafricain. Ouangrawa Sadia fait savoir qu’elle et ses camarades sont des femmes mariées qui ont laissé enfants et époux à la maison pour se joindre à la cause.
Boureima Dembélé