A Kongoussi, Ali Zoungrana un jeune entrepreneur est un exemple de réussite. Enseignant de formation, il décide en 2010 de se lancer dans l’orpaillage avec succès.
Secteur 3 de Kongoussi. Dans une vaste cour, un groupe de jeunes orpailleurs attend dans un coin, la sortie de leur patron. Autour d’une table en plastique, certains prennent soit du thé, soit du café. Quelques minutes, à peine, celui qu’ils attendent, Ali Zoungrana le boss sort, visiblement pressé. Il convoque son équipe, donne des instructions avant de prendre place.
« On est un peu en retard aujourd’hui, il faut qu’ils partent sur le terrain avant qu’il ne fasse chaud », explique Ali Zoungrana en même temps qu’il s’assoit. Ce natif de Bourzanga, à une quarantaine de kilomètres de Kongoussi dirige une équipe de jeunes orpailleurs, une activité répandue dans la province.
Avant de pratiquer l’orpaillage, Ali Zoungrana était d’abord enseignant. En 2010, il crée la surprise lorsqu’il décide de démissionner de la fonction publique pour se lancer dans l’orpaillage. Sa décision est mal comprise et suscite l’indignation de ses collègues et collaborateurs. En effet, travailler dans la fonction publique est une garantie de se voir verser régulièrement son salaire à la fin du mois. Mais, Ali Zoungrana avait son plan en tête.
Un rêve de gendarme
« J’ai informé mon inspecteur qu’à la fin de l’année, j’arrêterai d’enseigner. Il a essayé de me convaincre mais je lui ai fait savoir que j’ai trouvé mieux. J’étais à ma troisième année. Il m’a demandé d’attendre ma quatrième année pour prendre la disponibilité, se souvient Ali Zoungrana qui reste droit dans ses bottes, je lui ai dit que si je pars, je ne vais pas revenir. Je ne veux pas faire de marche-arrière ».
Par contre, il prend le soin de mettre sa famille sur le fait accompli. Ayant déposé ainsi la craie, il se lance avec un groupe d’orpailleurs. Avant d’être enseignant, Ali Zoungrana rêvait plutôt d’une carrière dans l’armée ou à la gendarmerie. Mais bien avant son succès aux concours, il est recruté comme manœuvre dans une société d’exploration minière. « Au départ, j’essayais seulement de me débrouiller là-bas pour avoir de l’argent pour passer mes concours », raconte-il.
Lire aussi: Les regrets d’un orpailleur arraché de l’école
Cette expérience lui permet de mieux comprendre le domaine. En 2017, il est recruté par une société semi-mécanisée à Ouahigouya. « C’était un de mes anciens patrons avec qui j’avais déjà travaillé. Il m’a demandé de venir diriger son équipe parce qu’il savait que je connaissais très bien le secteur », poursuit-il. Mais, deux ans après, ce que certains de ses proches craignaient arrive. L’insécurité contraint la société a fermé.
Près de 50 employés
Il retourne à Kongoussi. Une fois sur place, son véhicule tout terrain est sollicité par certaines structures pour parcourir les pistes de la province. Alors, lui vient l’idée de monter sa société de location de véhicule. « Je suis allé voir un frère qui était également dans le domaine de l’orpaillage et qui avait vraiment de l’argent. Je lui ai proposé de monter l’entreprise de location de véhicule. Nous avons acheté un véhicule à 17 millions en plus du mien que nous avons mis en location », dit-il.
De deux véhicules au départ, son entreprise loue désormais 16 véhicules dont quatre lui appartiennent. « J’essaie de mettre à contribution des amis pour récupérer leur véhicule et mettre en location », révèle-il. Parallèlement, il a constitué une équipe d’orpailleurs. Son parcours lui permet d’éviter des scandales comme l’on en rencontre sur les sites. Plusieurs éboulements sont enregistrés chaque année sur les sites d’orpaillage dans la province. « Quand j’arrive et que je constate la terre n’est pas solide, je déménage ou je laisse une certaine distance pour que les trous ne soient pas proches. C’est ce que les gens ne respectent pas », estime-t-il.
Près d’une dizaine d’années après, Ali ne regrette pas d’avoir démissionné : « Avec l’entreprise que j’ai mise en place, j’ai 25 personnes qui travaillent pour moi. Dans l’orpaillage, ils sont plus de 30 personnes. J’ai aussi toujours des contacts dans l’exploration. Si j’étais dans l’enseignement, je n’aurai pas réussi tout ça ». Certains de ses anciens élèves font partie de ses employés. Ali Zoungrana dit avoir d’autres projets pour soutenir les jeunes. Toutefois, le jeune homme ne conseille pas aux autres fonctionnaires de démissionner comme lui. Ils peuvent le faire, si et seulement s’ils sont passionnés, ou veulent entreprendre.
Boukari Ouédraogo