La vie actuelle de Hardjita Sanou est faite de pratiques de dozo. Son mari est chef dozo, et elle-même s’est faite initier et en est à 27 ans de pratique. Portrait.
Les dozos sont des confréries africaines de chasseurs. Chez eux comme dans plusieurs aspects des sociétés africaines, principalement les hommes sont membres. Mais avec l’évolution, les femmes embrassent de plus en plus des domaines jadis réservés aux hommes. Hardjita Sanou est l’une des femmes devenues dozo.
Sous un arbre, la cinquantaine, démarche lente, mais pas rassurés, regard serein, Hardjita Sanou en tenue dozo est en compagnie de son époux, lui même chef dozo. Elle raconte être à 27 ans de mariage et autant de temps dans la pratique dozo.
Lire aussi: Confrérie Dozo des ballets : des jeunes en quête de pouvoirs mystiques
Hardjita Sanou, à peu près 1m65, vit à Borodougou, une localité située à environ 10km de Bobo-Dioulasso. Commune rurale devenue presque célèbre de par sa carrière de sable blanche, fin, ressemblant à du sucre au regard.
« C’est parce que j’aime que je suis devenue dozo. Il y a la droiture chez les dogos. En tant que femme dozo, nous sommes comme les gardiennes de la maison. Quand il y a un danger à la maison en l’absence des hommes, on peut prendre la défense de la famille », a lancé d’entrée de jeu, la femme dozo.
Elle dit avoir » (…) appris à manier les armes et en cas de danger », elle peut utiliser une arme. Mais elle rassure que « ce n’est pas obligé que la femme d’un dozo soit dozo. On n’oblige pas à devenir dozo », nous a confié la dozo épouse de dozo.
Des interdits à respecter sous peine de mort
Mais, elle explique que certaines choses font la différence dans la pratique entre hommes et femmes dozos: « Tant que la femme n’est pas en période de menstrues, elle peut exercer ses activités et ne peut aussi s’approcher de son mari. Le mari dozo ne mange pas le repas de sa femme qui est en période de menstrues et ne se lave pas non plus avec l’eau qu’elle lui sert. La femme dozo ne doit pas porter sa tenue de dozo », relate-t-elle, sourire aux lèvres, et regardant son mari du coin de l’œil.
L’époux de la femme dozo, Ali Sanou, di Makognayiri (NDLR: plante utilitaire en langue locale dioula) donne quelques raisons de l’initiation de sa femme: » Nous, nous sommes basés sur les racines et sommes très précis sur le traitement des maladies. Si tu vis avec une femme qui ne connait pas les interdits, beaucoup de choses peuvent se gâter ».
Bien que dozo, Makognayiri ne s’est pas chargé pas de l’initiation de son épouse. Elle a été confiée à un autre maitre qui s’est charge de sa formation, pendant que son mari formait d’autres femmes.
Ali Sanou, revenant sur les interdits affirme que la femme et par extension tous les membres de la confrérie qui violent les interdits reçoivent la sanction suprême qui est la mort, parce qu’ils ont juré sur les fétiches à leur initiation.
Dans la pratique dozo, « il y a des secrets d’homme qu’on ne confie pas aux femmes. On est sur le même pied d’égalité, mais il y a des choses que les femmes ne font pas. Par exemple les femmes ne doivent pas manger les poulets de sacrifices. Si elles le font, ce n’est même pas la peine de les amener à l’hôpital, elles vont mourir », a menacé le chef dozo, rassurant tout de même que sa femme est informée.
Sogoda Millogo, fille de la dozo, tombe d’admiration pour sa mère. Elle dit rêver de devenir comme sa maman plus tard, en faisant son initiation dans la confrérie.
Edith Sanou, l’épouse d’un des fils de la dozo a des étoiles dans les yeux, en parlant de sa belle-mère dont elle loue la bravoure.
Boureima Dembélé