Sport ancestral, la lutte traditionnelle est l’une des disciplines sportives qui mobilisent du monde dans les arènes. A l’occasion de la 20e édition de la Semaine Nationale de la Culture (SNC), près de 100 lutteurs veulent conquérir le titre de roi du sable à Bobo-Dioulasso.
Comme une nuit, au claire de lune, quelque part sur une place d’un village de l’ethnie samo dans l’Ouest du Burkina Faso, un groupe de jeunes gens, bien bâti, le torse nu laissant dessiné leurs muscles saillants, des culottes en cotonnade tournent autour d’une arène de lutte remplie de sable au pas de danse. Ils dansent au rythme de tam-tam et de percussion.
Ils sont dans l’enceinte du Stade Wobi, de Bobo Dioulasso à l’occasion de la 20e édition de la semaine nationale de la culture. C’est le cérémonial habituel avant toute compétition de lutte. Parfois, ils sautent, se trémoussent, exécutent des pas de danse propres à eux. Certains se permettent de quitter le groupe et se défier à travers des invectives avant de se remettre à danser, tout sourire.
Il ne suffit pas d’avoir la force
Plusieurs lutteurs se succèdent dans l’arène sablonneux. L’un des affrontements les plus épiques de la matinée oppose Timoty Lingani à Eloi Zerbo. Eloi est l’un des plus grands champions de lutte au Burkina Faso. Il a été sacrée à cinq reprises. Timoty Lingani a l’avantage de sa corpulence développée, sa puissance physique, sa vélocité et son agressivité. C’est un jeune qui monte en puissance. Il a déjà surpris certains champions. Eloi Zerbo peut compter sur son expérience. Le public semble retenir son souffle quand les deux adversaires se font face.
Dès les premières minutes de combat de deux fois trois minutes, Timoty Lingani agresse Eloi Zerbo. Il saisit son adversaire, le soulève, tente de le poser au sol. Mais, d’une technique dont lui seul a le secret, Eloi Zerbo quitte l’arène. L’arbitre ramène les deux lutteurs dans l’arène. Il faut reprendre le combat. Timoty recommence. Alors Eloi esquive une attaque de son adversaire et celui-ci se laisse échoir. Le public jubile. Timoty reste couché dans le sable, à plat ventre, visiblement déçu.
Son adversaire l’aide quand même à se relever. Il le prend ensuite dans ses bras en signe d’encouragement. L’expérience de Eloi Zerbo a payé. « C’est un bon lutteur. D’abord, il a tenté de me soulever et me mettre sol mais j’ai dû sortir hors de l’arène pour annuler son attaque. Ensuite, j’ai utilisé sa propre force pour le faire tomber », explique le champion. Il explique ainsi que la lutte traditionnelle n’est pas une question seulement de force. Il y a la technique que beaucoup de lutteurs négligent selon lui.
Découvrir de nouveaux talents
La SNC est l’occasion pour des débutants sélectionnés dans leurs régions de défier les plus grands. Adama Ouédraogo, la vingtaine est venu de Ouahigouya. Rencontré la veille de la compétition, cet étudiant en médecine ne vise que la première place. Il participe pourtant à sa première compétition nationale de lutte. Son premier combat, il l’a perdu. « Pour mon premier combat, mon adversaire me battait physiquement mais techniquement, je ne pense pas qu’il était au-dessus de moi. Je pense que dans mes prochains combats, je pourrai me rattraper », promet Adama Ouédraogo qui pèse 65 kilogrammes contre 70 kilo pour ses autres adversaires.
Ce jeune bleu compte surtout sur ses techniques acquises au judo, art martial qu’il pratique également pour terrasser ses adversaires. Il lui reste encore trois combats pour se qualifier au tour suivant. Le jeune a retenu les leçons de sa défaite et des combats de la journée. « Je tire déjà de l’expérience et des leçons pour les prochains combats. Donc, avec les expérimentés, je vois des techniques que je peux tenter d’appliquer pour mes prochains combats », apprend-t-il.
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Car, cette compétition en plus de valoriser ce sport traditionnel ouvre la voie à la participation de jeunes lutteurs venus de partout du Burkina Faso. Dans le championnat national, seulement les meilleurs sont retenus. Pour la détection, le comité d’organisation a instauré une poule jeune.
Assis sur une chaise à l’ombre d’une bâche, le président de la Fédération burkinabè de lutte Pierre Badiel suit de bout en bout. Son objectif, détecter de nouveaux talents. « Cette compétition permet de découvrir des lutteurs qui n’ont pas l’habitude de venir au championnat national. Ce n’est pas parce qu’ils ne viennent pas au championnat national qu’ils ne sont pas bons. Mais on peut détecter certains lutteurs là-bas et essayer de les suivre », admet Pierre Badiel même s’il constate que les niveaux sont disparates.
D’ailleurs, la plupart des meilleurs lutteurs burkinabè sont aussi passés par cette compétition. 95 athlètes dont 13 dames issus de 12 régions prennent part aux compétitions dans la lutte traditionnelle.
Boukari Ouédraogo