Le langage du tambour semble ce qui est plus connu! Mais il faut aussi compter avec le balafon qui parle, transmet un message. Il faut être un initié pour le décrypter. Dans certaines sociétés du Burkina, l’instrument est couvert de mystère. Il y a plusieurs types de balafon et c’est en fonction de l’événement que certains sont joués.
Konomba Traoré joue plusieurs instruments traditionnels de musique dont le balafon. Selon le Trésor humain vivant, le balafon est fabriqué avec différentes lames agencées sur un tapis trapézoïdal et maintenues par des lanières en cuir ou en fils.
« Ces lames sont amplifiées par des calebasses de diverses tailles et accordées entre elles. Il est joué par des bâtons au bout desquels il y a des boules de caoutchouc », explique Konomba Traoré. Il faut de l’ingéniosité et du magico-religieux pour fabriquer le balafon, confie pour sa part le socio-anthropologue, Dr Tionyélé Fayama. Il est auteur du livre, «Le Balafon Goin au Burkina Faso: des origines aux fonctions».
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Les balafons se ressemblent peut-être, mais ne sont pas pareils. Il en existe deux types, selon les fins connaisseurs de cet instrument de musique. Il y a d’abord le balafon de réjouissances. Il peut s’acheter partout, même au marché. Par contre, il y a le balafon sacré ou sacralisé qui renferme des mystères.
Il faut « immoler un poulet sur le balafon pour le sacraliser. Dès que la plus grosse gourde qui donne la note la plus grave reçoit le sang et les plumes du poulet tué, il devient un objet extraordinaire, avec forcement des interdits », nous souffle Konomba Traoré.
Pas seulement le sacrifice, ajoute Le sociologue, Dr Fayama. Pour lui, la sacralité du balafon commence depuis sa conception. « Lorsqu’on découpe les lames, on les fait fumer. Les éléments que vous mettez pour fumer le balafon, ce sont ces éléments qui accompagnent le balafon. Il cesse d’être un simple élément, pour devenir un esprit ». A partir de là, plus qu’un instrument de musique, le balafon devient un objet avec des interdits.
« Par exemple, on ne doit pas enjamber ce balafon. Si tu es garçon tu enjambes, tu deviens impuissant. On ne doit pas se servir du clavier de ce balafon comme table à manger. Si tu le fais, tu auras des coliques. On ne doit pas uriner dessus. Même une lame de ce balafon se gâte et qu’on la sort, on ne la brûle pas. On l’enterre », enseigne l’homme de culture. Il précise que dès lors que le balafon a acquis son caractère sacré, il peut être joué pour conjurer un mauvais sort, et même soigner.
Communiquer sur des lames
Pour le commun du public, le balafon est un instrument qui sert à produire des sons dansants. Il est joué lors des événements heureux, mais aussi pendant les cérémonies funéraires. Les sons émis ont par contre un sens, transmettent un message. Pour le comprendre, il faut être un initié.
« Je peux vous parler avec le balafon dans ma langue », explique le sociologue. Il est soutenu par le Trésor humain vivant. « Chaque balafon est accordé selon les intonations de la langue d’une sphère culturelle donnée. Le balafon sénoufo parle sénoufo, celui turka s’exprime en turka.. Mais sur le plan musical, ils sont accordés diversement, selon la langue de l’ethnie », décrypte Konomba Traoré.
Le balafon parle, il est vecteur de messages. Le Trésor humain vivant explique s’en servir régulièrement pour parler sans avoir à ouvrir la bouche. « Par exemple quand un membre de la famille est absent, mais est dans les environs, je peux jouer au balafon pour l’appeler, lui dire par exemple il y a un visiteur viens lui donner à s’asseoir et à boire », dit-il.
Mieux, il révèle que son balafon sacré lui sert d’instrument d’alerte d’un danger qui pourrait arriver dans sa famille. « S’il y a quelque chose de mal qui doit arriver dans ma famille, mon balafon va jouer seul dans la nuit. Tu entends le son, sans voir quelqu’un jouer. Tu entends les notes graves ronronner. Si ce sont les notes aigues, cela annonce la joie. Tout le monde n’entend pas cela, c’est moi seul qui ai le code », poursuit-il avec conviction.
Boureima Dembélé