Le tir à l’arc est l’une des expressions culturelles du Burkina Faso. Les femmes se mettent à la pratique de la discipline autrefois réservée aux hommes. Le tir à l’arc est désormais au rang de sport malgré des préjugés.
Quelque part dans l’enceinte du Stade wobi de Bobo Dioulasso, connu pour accueillir des compétitions de football, un groupe de jeunes, vieux, des femmes y compris se mesure à un concours de tirs à l’arc. A une cinquantaine de mètres, une cible appelée blason où sont dessinés des cercles de plusieurs couleurs. Chaque couleur correspondant à un certain nombre de points. Tous visent le centre du cercle rouge qui vaut dix points. Pour y arriver, il faut faire preuve de concentration et de précision.
Salamata Kambou, la trentaine, s’avance, son arc à la main. Elle s’arrête un instant, observe, arme et d’un coup, la flèche se décolle de sa main. C’est raté. Deuxième tentative. Le tableau est atteint mais ne donne pas de points. Elle arme une troisième fois. Cette fois, elle a 1 point. La mine grise, Salamata rejoint sa place non sans s’être accordée avec le jury sur sa performance du jour.
Lire aussi: SNC 2023 : les lutteurs dans l’arène
Ce n’est pas ce à quoi elle s’attendait, elle qui domine depuis trois années, le concours du tir à l’arc au Burkina Faso. « En fait, par précipitation, j’ai pris un arc qui n’était pas pour moi. Et comme je n’avais pas l’habitude de tirer avec ça, je ne maitrisais pas. Donc, les flèches ne sont pas parties comme je voulais », dit-elle d’une voie triste.
Il n’est pas commode pour les femmes de pratiquer le tir à l’arc. Salamata Kambou reconnait avoir brisé certains clichés depuis très jeunes. Pour elle, il était bien facile de pratiquer cette discipline très présente dans la culture lobiri, communauté à laquelle elle appartient. Mais, ce n’était pas si facile que ça puisque la discipline était réservée uniquement aux hommes, aux chasseurs et aux guerriers.
« Dans l’ancien temps, c’était les hommes qui pratiquaient le tir à l’arc. Les femmes restaient derrière les hommes, ramassaient les flèches qu’ils remettaient aux hommes. Mais comme c’est devenu de la compétition, certaines femmes se sont mises dedans », explique-t-elle. Les débuts étaient difficiles tout de même puisqu’il n’était pas courant de voir les femmes pratiquer le tir à l’arc. Malgré ses résistances, elle fait fi des critiques pour s’adonner à sa passion.
Supporter les préjugés
Pour cette compétition, Esther Poda est la reine du tir à l’arc pour avoir cumuler le plus grand nombre de points. Elle continue de supporter les résistances. « Beaucoup de gens parlent. Surtout moi qui seule dans mon village, les gens disent que c’est parce que je n’ai rien à faire que je pratique le tir à l’arc », affirme avec regret Poda. Mais, elle n’est aucunement découragée puisque certains hommes l’encouragent.
Pour Sombié Kambou, cette résistance dans certaines communautés est le fait d’incompréhensions. Ces préjugés ne concernent pas uniquement les femmes de son point de vue. « Moi je suis enseignant. Mais certains ne comprennent pas que je puisse porter mon arc, mon carquois et mes flèches. Quand certains me voient avec mon arc, les flèches et le carquois, ils me regardent bizarrement et me traitent d’indiens », révèle-t-il.
Lire aussi: Culture du tir à l’arc, à Gaoua, les jeunes fuient les flèches
Toutefois, il estime qu’il est nécessaire de vulgariser cette discipline en voie de disparition. Au mois de février 2023, le ministère en charge des sports a annoncé la mise en place d’une fédération de tir à l’arc. Cette organisation offrira, peut-être, plus de visibilité au tir à l’arc.
Boukari Ouédraogo