Le système sanitaire du Burkina Faso est-il prêt à faire face à une éventuelle épidémie ou pandémie, de l’envergure de la Covid-19 ?
En janvier 2023, il y a eu au Burkina Faso, 19 nouveaux cas de Covid-19. En février de la même année, 31 nouveaux cas ont été enregistrés. Au mois d’avril, les statistiques donnaient 22 155 cas confirmés au total et 396 décès. Eh oui, la Covid-19 est toujours d’actualité.
Lire aussi: Covid-19 : cinq choses qu’on ignore encore
C’est ce que pense Estelle Ouédraogo, gestionnaire des Ressources humaines dans une entreprise de la place: « La Covid-19 est toujours là, parce qu’il y a toujours des cas ». Youssouf Traoré, doctorant en économie estime également qu’« on parle moins de la Covid-19, mais il reste qu’elle est d’actualité surtout pour ceux qui souhaitent voyager par air ». Quant à Souleymane Traoré, juriste, il avance que « si on a toujours des malades de Covid-19 dans nos hôpitaux, elle est toujours d’actualité ».
Mais il explique que « si on considère les habitudes pendant la période 2020 et aujourd’hui, on peut dire qu’elle est dans le passé. Car il n’y a plus d’exigence à l’entrée des services comme se laver les mains, la distanciation sociale, le port de masque…».
Ces dires sont corroborés par le directeur général de l’Hygiène et de la Santé publique, précédemment Coordonnateur du Comité sectoriel Santé de lutte contre la Covid-19, Dr Brice Wilfried Bicaba. Par contre, il soutient que la pandémie est de plus en plus maîtrisée au Burkina. « Elle est en train de devenir une maladie endémique dans l’épidémiologie des pays », dit-il.
De ses explications, l’on comprend que certaines maladies peuvent provoquer des épidémies et des pandémies, puis lorsqu’elles sont contrôlées, passer sous le mode endémique. Ces maladies « ne disparaissent pas entièrement, mais vont subsister, avec moins d’impact sur le vécu des populations. Une maladie endémique est une maladie qui existe tout le long de l’année, mais à un niveau contrôlé et ayant un impact moindre en termes de nombre dans la population. Le paludisme est une maladie endémique dans notre pays », enseigne le médecin.
Lire aussi: Covid-19 au Burkina : 57.8% de la population prêts pour la vaccination, selon un sondage
L’économie et bien des secteurs de la vie ont ployé sous le poids de la crise de Covid-19 au Burkina. Dans ce sens, Dr Bicaba fait noter des impacts sur la continuité des services de santé. « Un certain nombre de programmes prioritaires ont été impactés comme le paludisme, le VIH, la tuberculose qui ont été impactés parce qu’on avait mis beaucoup d’attention sur la Covid-19 », regrette Dr Bicaba.
Faire face à ce genre de crise sanitaire
La crise de la Covid-19 a mis à nu des faiblesses du système sanitaire du Burkina Faso. A ce propos, Brice Bicaba pense que c’est « la problématique de la préparation des pays à faire face à des crises aigues et des urgences de santé publique ». A l’en croire, les pays africains dont le Burkina ont mieux réagi à la crise de la Covid-19, parce qu’« habitués à faire face aux épidémies ». Toutefois, il signale que la question des centres de prise en charge des maladies hautement contagieuses est une problématique. Il y a selon lui, la nécessité de rendre disponibles, dans les hôpitaux, des espaces ou un centre dédié à la prise en charge des maladies hautement contagieuses.
Celui de Pissy (un quartier de Ouagadougou), poursuit-il, a été utilisé pendant la période chaude de la Covid-19. « Mais l’idée est d’en avoir même dans les hôpitaux, avec un équipement spécifique qu’on peut activer lorsqu’on a affaire à une épidémie d’envergure », préconise l’ancien coordonnateur du Comité sectoriel Santé de lutte contre la Covid-19.
» (…) Des équipes médicales d’urgence pour la prise en charge des maladies hautement contagieuses »
Il explique qu’il est possible d’avoir dans les hôpitaux, des centres organisés de sorte qu’en cas de maladies hautement contagieuses, la situation soit rapidement jugulée. «Ce que nous oublions souvent, c’est de mettre en place des équipes médicales d’urgence qui s’entrainent régulièrement pour la prise en charge des maladies hautement contagieuses », regrette-t-il.
Par contre, il se réjouit que dans le domaine du laboratoire, beaucoup de progrès aient été faits avec un renforcement des capacités. « Si nous avons encore une pandémie de l’envergure de la Covid-19, nous saurons mieux réagir, parce que nous avons un dispositif mis en place », rassure Dr Bicaba.
« Que ce soit au niveau des postes d’entrées terrestre et aéroportuaire, nous avons mis en place des dispositifs qui sont là aux niveaux stratégique, opérationnel et tactique. On saura mieux réagir », insiste-t-il. Pour lui, « l’inauguration de l’unité de production d’oxygène du Centre hospitalier universitaire pédiatrique Charles De Gaule est un programme qui résulte de la Covid-19 ».
Le Plan Blanc
Au Centre hospitalier universitaire de Tengandogo, il existe un Plan blanc qui « est un mécanisme qui permet de prendre en charge les sinistres ou les catastrophes qui surviennent avec un afflux massif de patients. Dans certaines circonstances, les malades peuvent venir à l’hôpital en grand nombre au même moment ou en tout cas dans un temps très bref », explique le directeur de la qualité du Centre hospitalier universitaire de Tengandogo, Dr Abdoulaye So. C’est cela le plan blanc et il peut désormais être utilisé contre contrer une pandémie à l’image de la Covid-19.
Cependant, Dr So précise que pour déclencher le Plan blanc, il faut que le centre reçoive au minimum 15 patients qui viennent au minimum en une heure de temps et ayant en commun le même problème. « On peut avoir plus de 15 malades mais qui n’ont pas le même problème. Ça peut être un accident de la circulation où on peut envoyer des blessés au même moment. Il y a aussi la gravité du problème. Il faut que la situation soit suffisamment grave et que le pronostic vital des malades soit en cause pour qu’on puisse déclencher le plan. Chaque centre de santé a son plan blanc ». A côté de cela, le Plan blanc, qui mobilise tout le personnel, fonctionne au grand maximum, 24h.
Boureima Dembélé