L’Union européenne commémore ce 9 mai 2023, la journée qui lui est dédiée. De passage à Studio Yafa, nous avons tendu le micro au premier responsable de l’institution au Burkina. L’ambassadeur Wolfram Vetter explique les axes d’intervention de l’Union européenne, ses relations avec les autorités de la transition. Il s’est également exprimé sur l’actualité.
Studio Yafa : Ce weekend, il y a eu des manifestations de rue sur une bonne partie du pays. A Ouaga, on a vu des images de manifestants qui s’en prenaient au symbole de l’Union européenne, avec notamment le drapeau brulé. En tant que premier responsable de l’institution, comment avez-vous réagi ?
Wolfram Vetter : J’ai vu les photos, j’étais attristé c’est évident mais je me suis aussi dit ce sont des gens mal informés, mal guidés et il ne faut pas attacher trop d’importance non plus parce que c’est une minorité et ça ne représente pas l’avis de la grande majorité des burkinabè.
Nous avons de bonnes relations, j’ai des échos toujours positifs avec plusieurs personnes. Que ce soit avec le gouvernement, la société civile, des jeunes, des femmes, ils apprécient beaucoup notre présence, tout ce que nous essayons de faire ensemble et avec le Burkina.
C’est peut-être l’expression de certaines frustrations que je comprends mais je crois que nous ne sommes pas la bonne cible pour ces frustrations. Il faut peut-être qu’on communique mieux à notre niveau, mais que le gouvernement communique pour dire qui sont vraiment les amis, les partenaires, qui sont les vrais ennemis et ce sont les terroristes à la fin. Ce ne sont pas les partenaires.
Que fait justement l’Union européenne pour aider le Burkina dans la lutte contre le terrorisme ?
C’est quand-même une crise qui a beaucoup de causes et beaucoup d’aspects. La première chose est la lutte armée. C’est le gouvernement et les Forces de défense et de sécurité qui mènent la lutte. Et là nous essayons d’apporter notre contribution, mais je dois dire que l’Union européenne n’est pas la mieux équipée pour faire ce travail.
Je ne veux pas citer des exemples pour des raisons évidentes, mais on fait quand-même pas mal de choses. Je crois que c’est aussi les questions de développement qui sont importantes. Qui sont ces terroristes ? Ce sont des jeunes burkinabè qui ont décidé de lutter contre leur propre peuple. Je crois qu’ils sont motivés par un certain manque de perspectives. Ils n’ont pas d’emploi, ils ne voient pas vraiment d’opportunités d’améliorer leur vie.
Et là, il faut aussi attaquer ce problème. Faire la formation professionnelle, créer des emplois, etc. Ce sont des questions aussi qu’on essaie de cibler, la cohésion sociale en général, les questions de réconciliation sont un peu des aspects sur lesquels on essaie de travailler.
Quels sont justement les grands axes de la délégation de l’Union européenne au Burkina ?
Il y a quelques années, c’était le développement classique, l’eau, l’assainissement, la santé, l’éducation, l’énergie, etc. On continue de le faire mais avec un accent sur la stabilité. Ça veut dire qu’il faut quand-même réagir face à la situation actuelle. Je vous donne l’exemple d’un programme que nous avons lancé il y a quelques semaines avec le ministère délégué de l’économie et des finances à Kaya.
C’est un projet pour essayer de stabiliser ou contribuer à la stabilisation de la zone qui s’appelle un peu l’axe Ouagadougou, Kaya, Dori, Djibo ; où nous essayons d’apporter une contribution pas seulement au développement, mais aussi aux questions sécuritaires, humanitaires. Et encore une fois, nous contribuons à la création d’emplois dans ces zones. Tout cela avec une approche intégrée. C’est à dire qu’on intervient, on essaie de créer des conditions de vie pour des gens pour qu’ils puissent rester dans ces localités ça veut dire tous les services nécessaires sont fournis.
Mais en même temps il y a un autre programme que je voudrais bien citer parce que Fondation Hirondelle-Studio Yafa est impliqué. C’est FasoVeil qu’on vient de lancer. Il s’agit de renforcer les capacités de la société civile afin qu’elle joue son rôle dans cette phase de transition au Burkina. Je peux encore continuer, mais ce sont là des projets phares.
Que représente la journée de l’Union européenne pour vous en tant qu’ambassadeur et européen surtout ?
C’est une date importante. C’est aussi une journée où on célèbre la paix la solidarité en Europe. Il y avait quand même des périodes très dures en Europe avec les deux guerres mondiales.
La paix actuellement est le fruit de tous ces efforts. Une guerre entre les différents Etats membres de l’Union européenne aujourd’hui, ce n’est pas pensable et cela c’est aussi grâce à cette construction de l’Union européenne.
Quelles sont justement les activités inscrites pour ce 9 mai 2023 ?
On fait une petite réception avec des amis, les représentants du gouvernement ce soir mais on a essayé de faire des actions en faveurs de différentes couches de la société. On a soutenu par exemple Ouaga Fashion Week la semaine dernière, c’est quelque chose de bien connu au Burkina qui fait la promotion des vêtements burkinabè. Cela crée de l’emploi pour les femmes parfois vulnérables qui produisent les tissus.
Après nous avons fait plusieurs déplacements dans les médias pour montrer aussi notre engagement dans cette phase difficile parce que les médias, la presse ont aussi un rôle difficile à jouer dans cette phase de transition pour contrôler le pouvoir et informer correctement le public.
Quelles sont les perspectives de coopération de l’Union européenne avec le Burkina Faso ?
On travaille ensemble depuis plus de 60 ans et on va continuer de travailler ensemble. Le Burkina pour nous reste un partenaire fondamental, clé dans le sahel. Nous avons tout intérêt à ce que la région et le pays se stabilisent et qu’il y ait un avenir prospère. Bien entendu on cherche toujours des amis avec qui on peut travailler sur la scène internationale.
Vous savez, il y a de grands défis comme le changement climatique où il y a des bonnes bases de travailler ensemble. Il y a une entente parfaite entre le Burkina et l’Union européenne sur ces questions. Mais vraiment dans le court terme, c’est d’aider le pays à rétablir la sécurité, la paix. C’est la chose la plus importante. Mais aussi dès que possible, accompagner les déplacés internes dans leurs villages.
Quel est l’état des relations entre le gouvernement de la transition et l’Union européenne ?
Je dois dire que nous avons de bonnes relations. Nous avons tout intérêt que cette transition réussisse, c’est important. Il y a des engagements de ce gouvernement, de ce Président. Il y a la charte de la transition, importante à noter. Elle décrit les priorités et aussi le calendrier de cette transition. Cela nous permet de travailler ensemble de façon très intense, en partenariat.
On a de très bons contacts avec des ministres. Avec le Premier ministre, j’ai lancé il y a environs quelques semaine un programme dénommé FasoVeil. J’étais avec lui au lancement du projet d’énergie solaire qui s’appelle Yelen. La semaine dernière, j’étais aussi avec le ministre de la culture et de la communication à Bobo. La coopération est très importante et continue de façon très correcte.
Vous avez parlé d’engagement, de calendrier. Est-ce des éléments sur lesquels l’Union européenne est assez regardante ?
Ça nous intéresse beaucoup. Il faut admettre que la fin de cette transition doit déboucher sur des élections. Evidemment le retour d’un gouvernement civil. Je comprends que cela ne semble pas être la plus grande priorité pour beaucoup de gens. Certains se demandent pourquoi les élections.
Tout d’abord, les élections ne sont pas pour maintenant mais il faut les préparer maintenant, c’est très compliqué. Là je suis très content que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) travaille sur ces questions. Il faut adapter la législation, renouveler le registre électoral, il y a beaucoup de travail derrière. Nous allons soutenir financièrement et techniquement ce travail. Je ne vois pas d’abord un obstacle majeur pour que les élections ne se tiennent pas dans les délais. Je suis fondamentalement convaincu que les engagements sont importants et seront respectés
Au cas où le calendrier n’est pas respecté par les autorités de la transition, le Burkina court-il le risque de subir des sanctions de l’Union européenne
On ne tape personne. Nous ne sommes pas là pour taper. Nous sommes là pour accompagner et je crois que nous allons exprimer notre avis surtout je dirai à huit clos avec les responsables mais c’est à eux de prendre les décisions. C’est aux burkinabè de décider pas à nous. Moi j’ai mes convictions je les partage, mais je ne suis pas le décideur. Loin de là.
Quel lien de partenariat lie le Studio Yafa et l’Union européenne et quelle sera la suite ?
J’ai eu la chance de faire connaissance de Studio Yafa. Nous travaillons ensemble sur le projet FasoVeil qui a aussi un volet renforcement des capacités des médias. Il y a un autre projet qui sera axé sur la sécurité des journalistes. Sans oublier le projet Jeunes Leaders qui est le plus important. Nous avons estimé qu’il fallait identifier des jeunes qui peuvent donner l’exemple, qui prennent en main leurs vies, montrent l’exemple, malgré parfois les contextes difficiles. Ces jeunes ont été sélectionnés de partout au Burkina, pas seulement à Ouaga et Bobo.
On va travailler à renforcer leurs capacités, leur donner les moyens pas financiers mais plutôt intellectuels. Leur apprendre à s’organiser, se présenter. A la télé, ils passeront présenter leurs projets et seront soutenus pendant 6 mois.
Entretien réalisé par Tiga Cheick Sawadogo et Daniel Ouédraogo