L’activité touristique autour du lac Tengréla dans la région des cascades se meurt. Des jeunes guides touristiques se tournent progressivement vers le maraichage pour subvenir à leurs besoins. Des anciens guides disent craindre que l’histoire du lac disparaisse faute de transmission.
Seydou Tou, 27 ans, fréquente assez rarement le lac Tengréla, situé à moins de 10 km à l’Ouest de Banfora dans la région des Cascades. Pourtant il y a trois ans, il conduisait à bord de sa pirogue, des visiteurs venus voir des hippopotames. C’était son activité principale. Mais les choses ont changé. Au milieu de ses cultures composées de piments, de choux, d’épinards, d’oignons, etc…,le jeune homme s’attèle au désherbage de ses planches ce 15 décembre 2020, en plein milieu de la journée.
« Je veux enlever les mauvaises herbes afin de pouvoir mettre les engrais. Dans une semaine, je pourrai récolter les piments. Cela fait 4 mois qu’ils ont été mis sous terre. La production a pris tout ce temps par manque d’entretien », explique le jeune homme. Entre son activité de guide touristique et celui de maraicher, Seydou préfère de loin le maraichage aujourd’hui. « Le tourisme ne marche plus alors qu’il faut vivre. On empochait chaque jour au moins une somme de 500 F à plus de 1000 F CFA pour assurer les dépenses quotidiennes. Ce qui n’est plus le cas », fait savoir Seydou Tou.
Le maraichage n’était pas rentable tous les jours contrairement aux visites guidées sur le lac. Mais Seydou dit avoir trouvé la formule: il mise davantage sur la culture des épinards dont le cycle de production est assez court. « Avec la culture des épinards, on peut tous les jours vendre pour avoir de quoi assurer la popote. Les piments et les choux sont très souvent exportés vers la Côte d’Ivoire », explique-t-il.
Abdoulaye Tou, 38 ans se rappelle encore des bons passés au bord du lac quand l’activité touristique était une aubaine pour les jeunes du village Tengréla « Par jour, on pouvait encaisser entre 3000F à 5000F CFA », raconte-t-il, nostalgique. « Maintenant », poursuit-il d’une voix cassée, les affaires ne marchent plus.
Abdoulaye se démène également dans le maraichage. « Le maraichage demande plus de patience et d’entretien au risque de ne pas avoir de bons bénéfices », dit-il. En attendant les récoltes, Abdoulaye se rend parfois au lac lorsqu’il y a des visiteurs. « Je peux ainsi empocher au moins 500F ou 1000F CFA après chaque visite. Elles se font d’ailleurs très rares », déplore-t-il.
L’activité touristique sur le lac Tengréla est réservée à la communauté Karaboro, l’ethnie majoritaire de la région des Cascades. Près d’une cinquantaine de guides touristiques sont organisés en deux groupes qui se relaient chaque semaine. Ceux qui restent sur le lac en profitent pour faire de la pêche lorsqu’il n’y a pas de touristes, explique Issouf Tou, 48 ans et doyen des guides. Il déplore cependant le manque de transmission. « Les jeunes ne s’intéressent plus à cette activité de guide touristique sur le lac parce que ce n’est pas aussi rentable comme le maraichage », regrette le doyen.
Les touristes occidentaux se font de plus en plus rares à cause la crise sécuritaire et sanitaire. D’une superficie de 1500 hectares, le lac de Tengréla est situé à sept kilomètres à la sortie de Banfora sur la route de Sindou.