Certains portent des sacs en bandoulière et fouillent les dépotoirs à la recherche d’un morceau de fer. D’autres sont derrière des pousse-pousses et arpentent les quartiers pour acheter des déchets métalliques. Ces jeunes font vivre le marché de la ferraille à Ouagadougou. Un secteur par contre rouillé par des accusations de vols et de recel.
Le désordre sur les lieux de pesage de fer à Ouagadougou contraste avec l’organisation du secteur. Difficile d’arracher un mot à un acteur. Le silence est d’or dans le marché de la ferraille et il est scrupuleusement observé. « C’est nous qui l’avons ainsi décidé. Sinon certains vont parler et dire des choses qu’ils ne maitrisent et cela sera préjudiciable à tous les acteurs du domaine. On s’est donc attendu, s’il y a quelque chose, on m’appelle. On n’a pas donné l’autorisation à tout le monde de parler », explique Mahamoudou Sawadogo, président de l’Organisation nationale des commerçants de ferrailles du Burkina (ONSFB). Pourquoi tant de prudence ?
Salif Tiemtoré, 28 ans, est dans le domaine depuis 4 ans. A Nagrin, quartier à la sortie sud de la capitale, le jeune est assis avec d’autres personnes, attendant d’éventuels livreurs de ferraille. Il reconnait que le secteur nécessite beaucoup de prudence. « Il y en a qui amènent de la ferraille même rouillée, mais nous savons qu’il n’est pas capable de l’avoir, donc nous n’acceptons pas, ou nous disons que nous n’avons pas d’argent pour en acheter. Certains insistent même pour dire de garder et quand nous aurons l’argent ils viendront prendre, mais nous refusons parce que nous avons peur », avance le jeune homme. Salif ajoute que si l’on prend le risque d’acheter, on s’expose à des problèmes plus tard. « On est souvent obligés de remettre du matériel qu’on a acheté et bien entendu c’est une perte ».
Selon la faitière des ferrailleurs, le secteur est miné par des accusations de recels, de vols réels ou supposés. « On donne de l’argent aux enfants pour acheter du fer, souvent on reçoit des gens à la maison, au travail pour se plaindre parce que leur matériel a été volé. En tant que propriétaire, on est trainé à la gendarmerie ou au commissariat », précise Emmanuel Dianda, propriétaire lui aussi d’un comptoir d’achat de fer. Il reconnait que certains acteurs du secteur se rendent coupables. « Si quelqu’un vole quelque chose et que tu payes, vous avez à peu près la même peine. Le receleur est comme un voleur du point de vue de la loi (…) certains savent que le matériel a été volé, mais ils achètent. Certains sont honnêtes, d’autres pas. Il faut donc se méfier », préconise-t-il.
La prudence : c’est l’option de Salif Tiemtoré et ses partenaires. Tout ne se vend pas et tout ne s’achète pas non plus dans le comptoir qu’il tient avec d’autres personnes. « On n’achète plus la ferraille au hasard ici. Si tu viens, on prend les références de ta Carte nationale d’identité (CNIB), on note le type de matériel que tu as amené », explique le jeune acheteur.
Dans un arrêté conjoint en fin 2019, le gouvernement burkinabè a suspendu l’exportation des ferrailles au Burkina Faso afin d’accompagner le développement des industries de fonderie au Burkina Faso, en assurant la disponibilité de la ferraille. Les camions chargés de matière première se succèdent à la zone industrielle de Kossodo, en provenance de tout le pays pour alimenter la fonderie nationale. « Les prix ne nous conviennent pas, mais où est-ce qu’on va envoyer ? », soupire Emmanuel Dianda, comme pour relever l’autre couche de rouille qui se pose sur le marché de la ferraille.