A Kongoussi, localité située dans la région du Centre-Nord du Burkina Faso, l’insécurité menace la paix et la cohésion sociale. Alors, l’association Teeltaba pour le développement de la jeunesse du Bam fondée par Abdoulaye Sawadogo mène des initiatives pour promouvoir la cohésion sociale entre les différentes communautés.
C’était un matin brumeux au secteur 2 de la ville de Kongoussi. Sous des arbres, regroupés en une douzaine de personnes, assis en cercle sur des bancs, des motos, parfois à même le sol, des femmes voilées parfois, jeunes et vieux, agriculteurs comme éleveurs etc. venus du village de Koumbango à une dizaine de kilomètres de là, échangent avec des membres de l’Association Teeltaba qui signifie « se soutenir » en mooré (langue majoritairement parlée dans la province).
Avant de commencer Ousseni Sawadogo, chargé de suivi évaluation de l’Association Teeltaba explique le déroulement de ces séances : « Nous avons reparti la population de Koumbango en différents focus groupes d’agriculteurs, d’éleveurs, d’anciens, de jeunes, des femmes, des personnes déplacées internes, des populations hôtes ».
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Après avoir reparti les participants en différents groupes, les deux animateurs les parcourent un par un, un calepin en main, échangent et prennent des notes sur un sujet qui les réunit : la cohésion sociale. Les deux animateurs commencent par poser la question suivante : « qu’est-ce que la cohésion sociale ? » Les réponses fusent, elles sont variées, parfois contradictoires ou se recoupent. Certains parlent du pardon, du partage, de l’entraide etc.
« Selon moi, la cohésion sociale, c’est accepter recevoir les populations hôtes. On peut leur donner un espace pour cultiver ou pratiquer l’élevage et on s’entend. Et c’est ce que nous pratiquons », intervient Djibril Sawadogo, un agriculteur, après avoir décliné son identité. Les réponses sont complétées par d’autres intervenants.
Les vecteurs de la cohésion sociale
Dans son groupe, débout au milieu, vêtue d’une longue robe et portant un grand voile sur la tête, Amsétou procède aux mêmes échanges. « Qu’est ce qui peut détruire la cohésion sociale », lance-t-elle à l’assemblée. Des claquements de main pour l’interpeller et donner une réponse. « La mauvaise foi, le désir de vengeance, la volonté de nuire à l’autre, le manque de reconnaissance peuvent détruire la cohésion sociale », estime pour sa part Mamadou Kalmogo.
Puis, la jeune animatrice essaie de trouver des cas concrets pour appuyer certains propos : « Par exemple, il ne faut pas obliger quelqu’un qui n’est pas de la même religion que nous à suivre notre religion. Quand on le fait, on détruit la cohésion sociale ». Enfin, la jeune fille demande aux participants les initiatives à mener pour promouvoir la cohésion sociale dans le village de Koumbango. Dans chaque focus groupe, les participants s’accordent sur le fait que la tolérance et le dialogue sont des facteurs qui peuvent contribuer à la cohésion sociale.
A la fin, ce sont des populations visiblement satisfaites des échangent qui apprécient la démarche de l’Association Teeltaba. « Il y a beaucoup de conseils dans cette activité. Le fait de se retrouver ici et échanger en groupe est déjà une bonne chose parce qu’on partage nos compréhensions de la cohésion et nous cela contribue à la renforcer en trouvant des solutions, témoigne Hamidou Kalmogo. Il a joute aussi: « il y a beaucoup de personnes déplacées dans la ville. Cette une activité permet déjà de cultiver la cohésion sociale entre populations hôtes et déplacées ».
Mise en place d’ambassadeurs de la paix
Créée par Abdoulaye Sawadogo, un ancien conseiller municipal, l’Association Teeltaba organise des séances de dialogue et de sensibilisation sur la cohésion sociale dans 55 villages de la province. Cette initiative part de son expérience de conseiller municipal à la mairie de Kongoussi. Il dit avoir fait le constat que la politique était mal comprise par la population. Et, cette mauvaise compréhension est souvent source de conflits. C’est pourquoi, depuis lors, il a décidé de mener ce combat dans sa province.
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Mais l’association Teeltaba ne se contente pas de ces séances. Elle a aussi mis en place des cellules de surveillance dans les villages. Ce sont des ambassadeurs de la paix qui ont pour mission d’identifier et d’approcher les personnes qui tiennent des propos incitant à la violence ou à la discrimination.
Ces ambassadeurs de la paix travaillent en collaboration avec les comités villageois de développement et les leaders locaux pour résoudre les conflits à l’amiable. « Nous avons eu à intervenir dans plusieurs cas de mésententes entre des familles ou des groupes sociaux », rapporte Ousseni Sawadogo. « Nous essayons de les sensibiliser sur l’importance de vivre en harmonie et de respecter les droits fondamentaux de chacun », assure-t-il.
Après la séance, un repas communautaire est offert aux participants pour continuer à semer les graines de la paix. Des graines qui, un jour peut-être, donneront des fruits de la paix.
Boukari Ouédraogo