Le président du Faso l’a maintes fois répété : le Burkina ne négociera pas avec les groupes armés terroristes. Mais cette position ne semble plus immuable. Répondant à une question à l’issue de son discours de politique générale, le Premier ministre Christophe Dabiré n’a pas écarté l’éventualité d’engager des pourparlers avec les groupes armés. Un rétropédalage pourtant salué par certains jeunes qui fondent l’espoir d’une cessation des attaques terroristes.
Yentéma, jeune étudiant dit avoir accueilli les déclarations du Premier ministre avec espoir. Originaire d’une région en proie aux attaques terroristes, l’Est, il avoue ressentir l’onde de choc jusque dans la capitale. « Nos parents au village se débrouillaient pour nous envoyer de quoi vivre à Ouaga. Mais avec la question du terrorisme, on ne reçoit plus rien. Si les négociations vont aboutir à la résolution du problème, vivement qu’elles aient lieu», explique le ressortissant de Diapaga dans la province de la Tapoa. Pour Téwendé Lucien Ouédraogo, le Burkina Faso aurait dû explorer cette voie depuis longtemps.
« Ils ont beaucoup tardé. Nous ne serons ni les premiers, ni les derniers à négocier avec les groupes armés terroristes », note le jeune qui dit se défendre dans la vie. Pour lui, il n’est jamais tard pour bien faire, même s’il estime qu’il faut savoir quoi négocier pour éviter des mauvaises surprises plus tard. « On peut toujours trouver un point d’entente sans pour autant tout concéder aux terroristes », conseille –t-il. Atiana Serge Oulon, jeune journaliste et auteur de « Comprendre les attaques armées au Burkina Faso, profil et itinéraires des terroristes » relève pour sa part qu’avec la sortie du Premier ministre, l’époque des accusations de l’ancien régime est révolue et que le gouvernement fait un rétropédalage.
Le directeur de publication du bimensuel l’Evènement se rappelle également que pendant la campagne électorale, le président candidat Kaboré raillait les autres candidats qui osaient prévoir une négociation avec les terroristes s’ils étaient élus président. « La sortie du Premier ministre peut donc être perçue comme un rétropédalage du pouvoir actuel », analyse le jeune journaliste. Un constat est évident. Depuis le dernier trimestre de 2020, le Burkina Faso respire. Ils sont loin ces temps où les communiqués se succédaient suite à des attaques terroristes. Le pays était alors harcelé de toutes parts.
Mais progressivement, des écoles fermées rouvrent, des déplacés internes chiffrés à plus d’un million regagnent leurs terres, sur le front de lutte antiterroriste, les échos sont de moins en moins scabreux. Atiana Serge Oulon n’exclut pas que cette « accalmie suspecte » soit le résultat de pourparlers. « Quelque chose a donc dû se passer. Il est possible aussi que la déclaration du Chef du gouvernement ne serve juste qu’à préparer les esprits ou à préparer psychologiquement les Burkinabè et l’opinion internationale sur ce qui va se passer ou se passe », analyse l’essayiste.
Emmanuel Téri, étudiant à l’Université Joseph Ki-Zerbo estime que ce sont les Burkinabè qui vivent dans les grandes villes qui peuvent se permettre de rejeter des négociations. « Mais celui qui vit en zone rurale, qui vit le terrorisme au quotidien, ne rejettera pas l’option de la négociation », précise-t-il avant d’ajouter que le gouvernement a certainement failli avec ses anciennes stratégies, raison pour laquelle il change de stratégie.
Devant la représentation nationale, le Premier ministre a déclaré le 4 février dernier que toutes les grandes guerres se sont terminées autour d’une table. « Les négociations avec les terroristes, nous ne disons pas que le Burkina Faso est contre, parce que même les grands pays (…) sont arrivés à un moment où a un autre à s’asseoir autour d’une table avec les terroristes », a martelé le chef du gouvernement. C’est une première qu’une autorité Burkinabè envisage cette option. En tout cas publiquement.