Il y a exactement un an, le Burkina Faso entrait dans le giron des pays touchés par la pandémie, avec le premier cas déclaré le 9 mars 2020. Le virus n’était plus une réalité lointaine. La psychose, une batterie de mesures, la prise en charge jugée calamiteuse des premiers cas ont caractérisé les débuts de la pandémie. Une année après, le virus rode toujours. Plus de 12 000 cas déclarés dont 143 décès. En revanche, une baisse de la vigilance teintée de scepticisme sur la maladie est constatée.
3 mars 2021, Rood-wooko, grand marché de Ouagadougou. Il est à peine 10h et ce haut lieu d’échanges, poumon économique de la capitale grouille de monde. Assis sur un banc à l’entrée du marché, Siaka Diarra, vigile, regarde vaguement les riverains qui vont et viennent. Il ne porte pas de cache nez, pas plus que les usagers. Pourtant, il y a quelques mois, le masque était comme le laissez-passer pour avoir accès au marché, après s’ être lavé les mains. Les habitudes ont depuis changé.
« Le dispositif de lave-mains qui était là n’était pas du tout utilisé par les usagers. Il y avait pourtant de l’eau et du savon mais les gens disaient qu’ils ont lavé leurs mains à la maison (…) C’est pourquoi ceux qui sont venus déposer ces lave-mains ici sont revenus les prendre pour les entasser quelques part pour ne pas que ça se gâte (…) » explique le vigile. Il ajoute que des gens ont même failli en venir aux mains à cause des nouvelles habitudes imposées. « Depuis l’année dernière donc, on ne parle plus de laver les mains ici. C’était juste pour trois mois», poursuit-il.
Dans le marché, clients et commerçants se frôlent dans les allées, sans cache-nez. « Certains disaient que la maladie n’existe pas (…) Sinon au départ, ceux qui ne portaient pas le masque ne pouvaient pas entrer dans le marché », commente le vigile Siaka Diarra. Rood-Wooko n’est qu’un exemple.
Un système sanitaire grippé
Fermeture des marchés, des frontières terrestres et aériennes, des salles de classes, mise en quarantaine des villes ayant enregistré au moins un cas, couvre-feu, interdiction de regroupement. Ce sont entre autres mesures de riposte prises au début de la crise. Mais très vite, la prise en charge des premiers cas de Covid-19, notamment au centre hospitalier universitaire Tengandogo de Ouagadougou, renforce la psychose.
« Il faut reconnaître qu’avec tous les échos qu’on avait de la prise en charge à Tengandogo, il y a pas mal de gens qui disaient préférer rester mourir à la maison plutôt que d’aller à Tengandogo », constate le jeune médecin anesthésiste réanimateur Dr Arouna Louré. Sans ambages, il établit son diagnostic de la gestion de la pandémie une année après.
« De manière générale, si on doit faire un bilan de l’année écoulée, c’est un regard un peu désastreux. On se rend compte que l’autorité ne s’est jamais adaptée. Au début, on s’est dit qu’on était prêt, alors qu’on n’était pas préparé en conséquence pour riposter », peint le jeune médecin. Il relève que la pandémie a mis à nu la fragilité du système sanitaire national et révélé une cacophonie communicationnelle au niveau des autorités.
A quelque chose malheur est bon
D’un seul laboratoire en mesure de faire le diagnostic au début de la crise, le Burkina Faso dispose à ce jour de 26 laboratoires en mesure de faire le diagnostic, s’est réjoui le directeur du Centre des opérations de réponse aux urgences sanitaires, Dr Brice Bicaba qui, le 26 février dernier, faisait le point de la gestion de la pandémie une année après. Entre autres acquis, il énumère la construction de trois centres de prises en charge de la Covid-19 grâce à l’élan de solidarité nationale, l’augmentation des lits de réanimation à 100 lits.
A quelque chose malheur est bon, dira Dr Arouna Louré qui note effectivement des avancées sur certains points, notamment en termes d’acquisition de matériel. « Sur le côté matériel de réanimation, les lignes ont bougé. Grâce à la maladie à Coronavirus, les services de réanimation ont eu des équipements », reconnait-il, non sans relever des préalables qui n’ont pas été pris en compte.
« Les politiciens prennent des mesures sensationnelles, il y a des services de réanimation où on ne peut installer ces lits de réanimation parce que l’infrastructure ne répond pas. A Bobo par exemple le matériel peine à être fonctionnel », regrette Dr Arouna Louré. Pour lui, le Burkina n’a pas tiré les leçons, une année après.