Du sable tout blanc sur les chantiers de construction de Bobo Dioulasso et ailleurs au Burkina. Le matériau prisé provient notamment de la carrière artisanale de Borodougou située à une dizaine de km à l’Est de la 2e ville du Burkina. Sur le site, de nombreux jeunes y prennent position du matin au soir. Certains pour l’extraction de l’agrégat, comme Urbain Sanou 28 ans, d’autres pour le charger sur les centaines de camions qui défilent quotidiennement sur le site.
Des coups de pioche sous un soleil ardent, des vrombissements de camions repartant chargés ou arrivant vides dans un nuage de poussière. C’est le train-train quotidien sur l’aire de la carrière artisanale de Borodougou. Sous un arbre à peine feuillu à l’entrée Sud du site, une dizaine de jeunes discutaillent. Ils attendent l’arrivée des camions pour proposer leur service. Charger les engins du précieux matériau à l’aide de pelle. Dans le groupe, Urbain Sanou 28 ans.
Le site et le jeune homme, c’est une longue histoire. « Je suis dans cette activité depuis 2003, je suivais mon père pour venir, mais je ne pouvais pas creuser. Je n’étais pas né quand les gens ont commencé à travailler ici. J’avais environs 14 ans quand j’ai commencé à travailler », dit-il. Titulaire d’un Certificat d’étude primaire, Urbain explique que la mort de son père a précipité sa descente dans les fosses, faute de moyens pour poursuivre les études. La carrière de sable est comme un site d’or pour des jeunes de la localité et pas seulement.
Autour du site, des activités rémunératrices de revenus se sont greffées. Sakinatou par exemple est présente chaque matin pour vendre notamment de l’eau en sachet. En plus d’elle, des vendeuses de dèguê ( Lait caillé), des boutiquiers, ou des forgerons qui aiguisent des pioches.
Pour Urbain et ses camarades, sans cela, le chômage aurait ouvert la porte à tous les vices.
« Ce qu’on gagne ici, c’est bon pour nous, parce qu’en ville il n’y a pas de travail. Par contre si tu viens travailler ici, tu peux avoir quelque chose. Il y avait trop de voleurs, mais aujourd’hui, ça diminué grâce à la carrière. Moi par exemple, je n’ai pas de travail, si je viens creuser, je vais avoir au moins 5000 F CFA. Comment je peux laisser ça et aller voler ? Il y a des gens qui viennent de Banfora, d’autres pays même. Ce ne sont pas seulement des gens de Borodougou qui travaillent ici », poursuit-il. C’est à vil prix que le sable est vendu.
Auparavant, il était vendu de 3000 à 5000 F CFA en fonction du tonnage du camion. Mais il est passé à 7000, 15000 ou 18000 F CFA toujours selon la taille des bennes. Les jeunes ouvriers qui chargent à l’aide des pelles s’en sortent avec 5000 ou 10 000 f CFA par chargement. Le jeune homme dit s’en sortir avec son activité. Et c’est avec fierté qu’il dit s’occuper des études de ses petits frères. Pour lui qui n’a pas eu la chance de continuer les études, il clame que ses petits frères ne connaitront pas cette difficulté. « Aujourd’hui tous mes petits frères sont à l’école. C’est grâce à cela que je paye leurs scolarités. Même si c’est 100 000 F CFA, je paye ça grâce à cette activité », relève-t-il fièrement.
Des accidents de travail ne manquent pas sur le site. Mais le jeune homme de 28 ans semble les minimiser, même s’il reconnait en avoir été victime. Une blessure au pied avec sa pioche lui a valu une vaccination d’anti tétanique. D’autres par contre ont eu moins de chance. Le 20 février 2018, un éboulement sur le site a tué deux frères de la même famille. « Des risques, il y en a. Il n’y a pas de travail sans risque », reconnaît Urbain qui, comme pour se donner du courage, fait savoir que l’on peut avoir un accident de travail même confortablement installé dans un bureau.