La défécation à l’air libre est un problème de santé publique qui touche encore plusieurs localités du Burkina Faso. A Basziri, un village de la commune rurale de Kokologho, à environ une heure de route de Ouagadougou, la population a décidé de changer la situation grâce à un projet participatif de constructions de latrines.
Ousmane Kaboré, 82 ans vit à Basziri depuis toujours. Affichant un large sourire et trainant sa canne, il nous accueille dans sa cour où trône une cabine en briques de terre. C’est sa toilette qu’il a construite avec l’aide de ses enfants. Tout fier, il nous montre son œuvre toujours en attente de finition. Ousmane Kaboré compte ajouter deux couches de briques pour que cette toilette soit plus haute et plus discrète.
Toutefois, le vieil homme est déjà très content du résultat. Toutes ces années, lui, les membres de sa famille et la plupart des habitants de Basziri, environ 2000 âmes, faisaient leurs besoins naturels dans la broussaille. « Avant, nous n’avions pas de toilettes. Nous faisions nos besoins à l’air libre dans la brousse ou derrière les arbres. C’était vraiment par ignorance que nous le faisions », explique-t-il.
Ousmane a pris conscience du problème grâce à une campagne de sensibilisation menée par l’Association des jeunes sportifs pour le développement de Basziri. Cette association a initié un projet de la fin de la défécation en plein air à travers la construction de toilettes. Chaque famille devait en avoir. Ousmane n’avait pas les moyens de creuser des toilettes.
Mais, il avait adhéré à l’initiative. Il décide alors de transformer son puits perdu situé dans l’arrière cours en toilette. « La profondeur du puits perdu est de plus de 20 mètres. Alors j’ai construit la dalle et un mur en terre. Ce que vous voyez n’est pas encore fini. On va rehausser le mur pour que, une fois que quelqu’un est à l’intérieur, on ne le voie pas », assure-t-il.
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Depuis qu’il a construit ses toilettes, Ousmane se sent plus respecté et plus digne. Il n’a plus honte de recevoir des étrangers chez lui. « Avant, quand des étrangers arrivaient, ils se promenaient pour faire leurs besoins dans la nature avant de venir nous critiquer à voix basse: « s’ils avaient des toilettes c’était pas mieux?». Maintenant, il y a du respect et de la joie », dit-il, tout sourire.
Salamata Kabré, la cinquantaine, vit dans une concession voisine de celle d’Ousmane. Sa famille a bénéficié du projet de construction des toilettes. Celles-ci se trouvent à l’entrée de la cour. D’un rire gêné, Salamata explique que la construction des toilettes a permis d’améliorer son cadre et son hygiène de vie. « Avant, c’était difficile. Il fallait partir en brousse pour faire les besoins. Parfois, il y a des gens qui t’observaient. Mais tu es obligée de te soulager ainsi parce que tu n’as pas le choix. Maintenant, je peux aller aux toilettes quand je veux. C’est plus discret, plus propre et c’est sans honte », dit-elle visiblement heureuse.
De plus, avant que les toilettes ne soient construites, elle reconnait que sa famille était exposée à toutes sortes de maladies. « Quand on déféquait dans la nature, ce sont les cochons qui venaient nous en débarrasser et venaient se promener dans nos cours. C’était pareil avec les poules, sans parler des mouches », regrette aujourd’hui Salamata. Elle a dû attendre près 50 ans pour avoir ses propres toilettes.
Les jeunes au premier plan
Idrissa Kaboré, la trentaine a profité aussi de ce projet pour doter sa famille d’une toilette. « C’était difficile de creuser les trous. Nous avons fait ce que nous pouvons et toute la famille est contente du résultat obtenu. Aujourd’hui, tout le monde fait ses besoins dans les toilettes sauf les enfants pas encore en âge de marcher ».
Mais à ce niveau, les femmes sont sensibilisées. « Nous utilisons des pots pour les enfants. Une fois que l’enfant a fini de faire ses besoins, on jette dans les toilettes, on lave les pots de toilettes avec de la cendre », explique Salamata.
La défécation en plein air est source de plusieurs maladies reconnait Karim Kombasséré, médecin en santé publique. « Ceux qui pratiquent la défécation à l’air libre, vous constaterez qu’en saison pluvieuse, les pluies ramassent les débris et les emportent vers les cours d’eau, les puits. Cela peut avoir des conséquences parce que les gens vont consommer cette eau et cela va provoquer des maladies hydriques qui découlent de la défécation en plein air», dit-il.
La diarrhée, les infections avec les vers intestinaux, la fièvre typhoïde, le chloréra, l’hépatite, la poliomyélite, le trachome sont autant de maladies que peuvent contracter les villageois.
Des latrines à coût réduit
Boureima Kaboré, un grand gaillard, la trentaine, est membre de l’Association des sportifs pour le développement de Basziri. C’est lui et les autres membres qui ont mis en place ce projet de construction de toilettes. « Habituellement, nous creusions les toilettes entre 200 mille et 300 mille francs CFA. Mais nous aidons la famille à creuser le trou à 7500 francs CFA le mètre carré. Ensuite, chacun peut construire la dalle en selon ses moyens », raconte-t-il.
Le projet est donc participatif. Chacun apporte ce qu’il peut. « Nous aidons aussi les personnes âgées à construire les toilettes. Nous creusons le trou gratuitement et nous construisons les dalles en bois. Ça peut tenir deux ans en espérant qu’un jour quelqu’un pourra les aider à changer ou à construire des dalles en briques », dit-il.
Les responsables du village de Basziri se sont tous impliqués pour la réussite du projet. C’est sous un grand arbre, que Séni Koudougou Kaboré, l’un des notables du chef, nous accueille. Selon lui, personne ne devait rester en marge. « Nous avons impliqué tout le monde à commencer par les responsables des comités villageois de développement et les chefs de famille. Aujourd’hui, vous verrez que tout le monde à une toilette chez lui », rassure le vieil homme, la barbe blanchi par le temps.
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L’initiative de la population de Basziri est salutaire selon Karim Kombasséré. « Cette initiative crée un certain nombre de conditions qui mettent les gens à l’aise et qui canalisent aussi les déchets issus de ces défécations qui peuvent être utilisés à d’autres fins comme les engrais. En plus, c’est sécurisant pour la famille», souligne-t-il.
L’UNICEF estimait que 48% de la population du Burkina Faso pratiquait la défécation à l’air libre pour une réduction espérée à 27% en 2022 alors que 13 enfants de moins de cinq ans mourraient chaque jour de maladies diarrhéiques.
Les membres de l’association des jeunes sportifs pour le développement de Basziri disent avoir jouer leur partition pour des progrès dans ce sens. Ils espèrent que d’autres villages vont s’inspirer de leurs démarches car, il s’agit avant tout d’une question de dignité.
Boukari Ouédraogo