A Ouagadougou, la chicha dans les lieux publics, clos ou non est désormais interdite. Ainsi en a décidé le conseil municipal dans un arrêté ce 6 avril. Des jeunes disent ne pas être convaincus par les raisons de cette mesure et estiment que sa mise en œuvre sera impossible. « S’il veulent interdire la chicha, ils doivent interdire son importation, sa vente sur le territoire. Sinon tant que ça se vend, les gens vont utiliser », clame un tenancier de débit de boisson.
A l’entrée Sud du ciné Burkina, Bouba, la vingtaine, tient une boutique de vente de chicha. Les dispositifs, les arômes, et le charbon sont proposés aux éventuels clients qui marquent un arrêt devant son commerce. Depuis deux ans, c’est son business. La décision du conseil municipal d’interdire la chicha dans les lieux publics est ressentie comme un choc pour le jeune commerçant. Le marché va prendre un coup, regrette-t-il, même s’il n’a pas un endroit aménagé pour la consommation.
« Ça va jouer sur nos affaires, puisque si c’est interdit les gens ne viendront plus acheter. Qu’allons-nous faire ? On risque d’être des voleurs ici, puisque notre business va disparaitre», dit Bouba. Il reconnait que certains fumeurs de la chicha mettent de la drogue en lieu et place des arômes. « Regarder vous-mêmes, nous ne vendons pas de drogue ici. C’est seulement les dispositifs, le charbon et autres arômes. Maintenant s’il y a des gens qui ajoutent de la drogue pour fumer, ça c’est pas de notre faute », se défend le jeune commerçant.
Dans son arrêté, le conseil municipal justifie sa décision par le fait que « la prolifération des bars à chicha emporte trafic de stupéfiants, proxénétisme, prostitution, racolage, et constitue une entrave à la promotion de l’hygiène publique ». Comptable dans un débit de boisson, Anissa (non d’emprunt) estime qu’il était temps. « J’ai connu la chicha en 1998 en Arabie Saoudite. Ma propre mère avait ça, c’était un peu traditionnel, on la consommait entre amis. Ce n’est pas ce que je vois maintenant. Les jeunes ont transformé ça en autres choses. Ils mettent ce qu’ils veulent à la place de ce qu’il fallait mettre. Donc moi-même je n’étais plus d’accord avec ça », explique-t-elle.
Anissa conte sa propre mésaventure. « Une fois j’étais chez des amis qui ont préparé ça. Je leur ai dit de me laisser tirer un peu, quand j’ai pris, j’ai compris que ce n’était pas ça. C’était de la drogue, et ça ne fait pas du bien à la santé », ajoute-t-elle. Stéphane Zaré commercialisait la chicha qui drainait du monde dans son maquis situé à Gounghin, un quartier de la capitale Burkinabè. Il dit avoir suspendu cet aspect de son business depuis quelques mois, après avoir eu les échos d’une interdiction prochaine. « Le bénéfice est énorme, on perd de l’argent si on arrête de vendre », reconnait-il. Mais il s’insurge contre les raisons qui ont prévalu à cette interdiction.
«Si on veut nous faire croire que là où il y a de la chicha, il y a la drogue, prostitution, proxénétisme, manque d’hygiène, là je ne suis absolument pas d’accord. Ce n’est parce qu’il y a de la chicha qu’il y a des stupéfiants à côté. Je ne trouve pas les raisons valables, mais comme ce sont les autorités, elles décident et nous suivons », dit-il impuissant. Stéphane Zaré admet que la chicha est un phénomène qui prend des proportions inquiétantes chez les jeunes. Par contre, il estime que la stratégie employée ne saurait produire les résultats escomptés. «S’ils veulent interdire la chicha, ils doivent interdire son importation, sa vente sur le territoire. Sinon tant que ça se vend, les gens vont utiliser », prévient-il.