Diagnostic des hôpitaux publics du Burkina Faso à studio Yafa. Les invités de Ya’Débat de cette semaine sont unanimes : les hôpitaux du Burkina sont gravement malades. Par contre, ils ne s’accordent pas sur les leviers à activer pour repositionner les centres de santé publique au cœur du système sanitaire.
« Nos hôpitaux sont gravement malades. Ce n’est pas exagéré de dire que nos hôpitaux sont des mouroirs, même si c’est un terme qui choque », constat implacable du jeune médecin anesthésiste réanimateur au centre médical avec antenne chirurgicale de Bogodogo, Harouna Louré. Il relève par contre une petite embellie depuis l’apparition de la Covid-19 avec l’acquisition de matériel pour les hôpitaux publics. Même là, il regrette que les hôpitaux ne disposent pas d’infrastructures adéquates pour optimiser l’utilisation du matériel acquis.
La situation n’est pas si reluisante partout, même en terme de matériel note pour sa part Félicité Kiéma. Elle est trésorière d’une association qui vient de faire un don de matériels médicaux au centre de santé de Diabo, dans l’Est du Burkina. Le besoin était réel.
Le troisième invité Dr Salif Sankara, médecin directeur de l’offre des soins du Burkina ne conteste pas. Il reconnait qu’un diagnostic fait par le ministère fait ressortir un manque d’équipements, d’infrastructures appropriées, de moyens pour répondre aux besoins des populations. La « souffrance de nos hôpitaux » est bien une réalité.
Par contre, il ne semble pas être d’accord avec les deux autres invités quand ces derniers qualifient les centres publics de santé de « mouroirs ». « L’hôpital est l’endroit où on doit mourir, dans le principe on ne doit pas mourir à la maison. Quand on y va, on sait qu’on peut sortir guéri comme on peut avoir des complications. C’est la dynamique de l’hôpital qui est comme ça. On est tous unanimes qu’il y a des difficultés à résoudre », dit-il. Certes, rebondit Félicité Kiéma. « Mais il ne faudra que le taux de mort soit exagéré », souhaite-t-elle.
La seule femme sur le plateau raconte sa propre histoire. En 2015 quand elle accouche à l’hôpital Yalgado, le plus grand hôpital du Burkina, elle fait 17 de tension. Elle doit alors voir un cardiologue. Le rendez-vous est pris dans un mois. Elle se tourne alors vers une structure privée de santé et en un coup de fil, elle décroche un rendez-vous et est prise en charge dès le lendemain. « Yalgado date de plus de 60 ans, ses capacités ne sont pas en phase avec l’accroissement de la population », se défend le directeur de l’offre des soins du Burkina Dr Salif Sankara. Le Dr Harouna Louré lui accuse un manque d’anticipation et de prospective des autorités. D’ailleurs, il précise que les hôpitaux qui ont plus et moins de 10 ans ( Bogodogo et Tengandogo) ne sont pas mieux non plus.
Soigner un grand corps malade…
« J’attends de mon gouvernement une bonne politique de santé, définir les besoins des soins, engager les discussions avec les agents pour connaitre leurs besoins », plaide Félicité Kiéma. Dr Salif Sankara rassure. Un Plan d’urgence est en projet pour que dans les deux ans à venir, l’hôpital soit repositionné pour être au cœur du système de santé. Une gouvernance efficiente des hôpitaux est en étude. Il relève au passage que tout n’est pas problème d’équipement. « Des gens arrivent en retard à l’hôpital, en cherchant avant à faire de la tradi-thérapie, à invoquer des génies avant d’aller à l’hôpital », regrette-t-il.
Dr Harouna Louré lui émet des réserves. « L’inquiétude, c’est qu’on mette en place un plan d’urgence, on mette des milliards pour acheter du matériel et ça ne va pas fonctionner. L’assemblée nationale avait fait l’audit et on est allé acheter des milliards de matériels qui sont venus et qui n’ont jamais été utilisés. Il faut aller à la source, c’est un problème d’organisation de nos hôpitaux. Il faut réfléchir sur ce qu’est un hôpital qui marche pour que le peu qu’on a, on puisse l’utiliser », propose le jeune médecin anesthésiste réanimateur.