Pour soutenir la «lutte contre le terrorisme», le Burkina Faso a instauré de nouvelles taxes. Mais l’accueil de ces taxes varie d’un consommateur à l’autre. Pour certains, il n’est pas normal de charger encore les citoyens.
Depuis le 20 juillet dernier, les consommateurs burkinabè paient 5% de plus sur leur consommation habituelle de téléphonie mobile, 10% de plus sur les frais de réabonnement télé et 1% quand il s’agit d’une cession de terrains hors lotissement. Cette décision du Gouvernement de transition a été enrobée juridiquement dans la loi n°009-2023/ALT du 24 juin 2023, portant institution d’une contribution spéciale sur la consommation de certains produits et services, adoptée le 24 juin 2023 par l’Assemblée législative de Transition (ALT) et promulguée par le chef de l’État le 30 juin. Toutefois, cette mesure est diversement appréciée.
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Le déclarant en Douanes, Alphonse Coulibaly estime que « c’est un effort supplémentaire ». Aussi, il se dit prêt : « S’il y a un mécanisme pour récolter l’argent pour la survie de ce pays, moi je suis partant ».
Le directeur général du Cabinet Mory prestations, Ibrahim Traoré qui explique ces nouvelles impositions par le « contexte particulier du pays» avance que c’est ce qui rend ces taxes particulières. Pour lui, il faut que ces taxes servent à ce à quoi elles sont destinées, c’est-à-dire contribuer à l’effort de paix.
Dans son analyse, le fiscaliste Étienne Soma affirme que ces taxes sont la traduction fiscale de la contribution volontaire des citoyens pour permettre de réaliser un certain nombre de projets sur le plan sécuritaire. Aussi, il soutient que le Gouvernement a besoin de ces moyens, dans la mesure où il (Gouvernement) n’exclut aucune alternative pour parvenir à l’équipement, la formation et la prise en charge des hommes.
Étienne avance que les besoins de financements sont énormes, mais les recouvrements prévus par les régies de recettes ne permettent pas de les combler. Le fiscaliste pour qui il s’agit de taxes à la consommation de produits qui ne sont pas des produits de première nécessité, est convaincu qu’il y a des urgences et c’est ce qui oblige le Gouvernement à procéder à certaines réformes. En plus, selon lui, la méthode de recouvrement justifie l’urgence qu’il faut rapidement lever. Cela s’ajoute à « la nature du régime qui a certainement moins de temps, or il faut résoudre le problème dans le temps imparti », a -t-il fait savoir.
Les populations souffrent déjà
De l’avis de Camille Tougma, traducteur-interprète français-italien, ces mesures viennent à un moment où les populations souffrent déjà. Toutefois, il pense que « C’est une manière d’impliquer davantage les populations burkinabè dans la défense de la patrie».
Quant au président de l’organisation de la société civile Observateurs sans frontière, Naaba Labidi, il avoue que « certains pensent qu’il n’est pas normal de charger encore les citoyens par ces nouvelles taxes ». Mais il s’empresse d’ajouter que « la guerre est budgétivore. Malgré tout ce qui est fait, l’Etat a encore des difficultés de mobilisation du numéraire ».
La situation qui a créé ces taxes les emportera
A en croire Boniface Samba, entrepreneur, ce sont des taxes qui renchérissent les coûts des produits de consommation visés. Il estime que, quand on calcule ce que cela va coûter dans le mois, ça peut limiter le pouvoir d’achat des populations. Ensuite, il espère que ce sont des taxes temporaires et que si la situation s’améliore, ça peut changer. Étienne aussi pense que la situation qui a créé ces taxes les emportera avec elle quand tout sera réglé.
Malgré cette position, Boniface invite à faire des sacrifices au regard du motif mis en avant pour la création des nouvelles taxes.
Par ailleurs, Naaba Labidi développe que dans la lutte contre le terrorisme, le Burkina Faso a enclenché une rupture souverainiste. Il explique que cela veut dire que dans cette volonté affirmée de souveraineté nationale, « il faut faire des choses par nous-mêmes ».
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Dans ce sens, poursuit le président de Observateur sans frontière, « le peuple doit se mettre à contribution. L’Etat peut regarder dans d’autres niches, et nous l’exhortons à cela. Il doit récupérer les deniers détournés. Mais cela peut prendre du temps or nous sommes dans une situation d’urgence. En plus, l’Etat doit engager de façon assumée certains partenariats avec certains pays ». Étienne est du même avis : « C’est aussi l’expression de la souveraineté », appuyant que ça va être compliqué de compter uniquement sur l’aide dans cette lutte.
Des taxes avant celles-là ont permis de récolter près de 30 milliards de FCFA grâce, notamment aux prélèvements effectués sur le tabac, les boissons alcoolisées et non alcoolisées.
Boureima Dembélé