Hamidou Diao et Hamidou Bandé sont deux talibés, d’environ 10 ans chacun. Ils passent d’une frontière à une autre entre le Burkina et le Ghana pour mendier. Les Cedis et les CFA qu’ils empochent sont remis à leur maître coranique au Burkina.
Une boite de tomate attachée à une corde et portée en bandoulière par l’un, pieds nus. Un bidon d’eau minérale vide tenu par l’autre, chaussé de sandales raccommodées. Hamidou Diao et son homonyme Hamidou Bandé viennent de franchir la frontière Ghana- Burkina. Dans le périmètre communément appelé « zone tampon » entre Dakola (Burkina) et Paga (Ghana), ils mendient. De leurs petites voix, ils implorent la générosité dans ce haut lieu d’échanges commerciaux.
Originaire de Sapouy dans la région du Sud-Ouest Burkinabè, Hamidou Diao est à Dakola dans cette commune frontalière du Centre-Sud chez un maitre coranique. « Je viens de Sapouy, je suis venu apprendre le coran dans une Médersa », dit-il. Mais la majeure partie de son temps, il n’écrit pas, il ne récite pas. Il arpente les rues de cette zone frontalière. Régulièrement comme ce jour de vendredi 30 avril 2021, jour de marché de Paga, village frontalier ghanéen, où il s’y rend pour tendre sa sébile.
« C’est loin donc nous empruntons les taxis tricycles pour aller au Ghana. Quand nous revenons du Ghana c’est avec des cedis, nous ne changeons pas en CFA, nous donnons l’argent à notre maître directement », poursuit le jeune apprenant du Coran, sans se plaindre. Il faut débourser deux cedis, soit environ 200 F CFA pour aller de Dakola à Paga situé à une quinzaine de kilomètres. En zone anglophone, Hamidou Diao dit se débrouiller pour placer quelques mots indispensables. « How are you ? », lançons nous pour le tester. « I’m fine », répond-t-il. Son camarade Hamidou Bandé de préciser qu’il y a des gens qui parlent la langue mooré à Paga au Ghana et qu’ils croisent souvent. Quand la situation se présente, les échanges sont plus fluides.
Difficile combat
Au Burkina Faso, le ministère en charge de la solidarité nationale et de la famille a lancé plusieurs opérations de retrait des enfants en situation de rue. Lors de l’émission Ya’Débat du 31 juillet 2020, Romuald Sandwidi directeur du centre d’éducation et de formation professionnelle de Ouagadougou déclarait que les maîtres coraniques s’étaient engagés avec le ministère, à garder les enfants à la maison pour qu’ils ne mendient pas. « Une convention a été signée dans ce sens avec leur association et individuellement avec chaque maître coranique », disait-il.
Abdoul Karim Tapsoba, représentant de l’association des maîtres coraniques du Burkina lui avait fustigé un non-respect des engagements de la part des autorités. « Le ministère s’était engagé à donner des vivres. Mais en deux ans, on a reçu deux fois seulement. Si les autres élèves bénéficient d’une cantine scolaire, pourquoi les enfants des écoles coraniques ne bénéficieraient pas de cette cantine ? », répliquait le maitre coranique.
« Si quelqu’un prend la responsabilité sur lui de prendre des enfants et compte sur l’état pour lui venir en aide, il y a une fuite de responsabilité », clamait pour sa part le journaliste Bernard Bougma. En attendant, Hamidou Diao et Hamidou Bandé sont rentrés de Paga avec 6 cedis en billet et en pièces. L’air quelque peu méfiant, Bandé nous présente les aumônes du jour. Après avoir passé toute la journée à mendier, ils remettront la totalité de leurs gains au maitre coranique.