A Ouagadougou, quand le niveau d’eau baisse au barrage n°1 et que la canicule monte, des jeunes transforment la retenue d’eau en vaste piscine. Ils nagent aux cotés des crocodiles qui pullulent en ces lieux, à défaut d’aller dans les piscines conventionnelles qui ne seraient pas à leur portée. Ils côtoient le risque à chaque plongée. Des séances dans la bonne humeur et dans l’insouciance du danger éventuel.
Des rires aux éclats, des cris de joie. C’est ce qui alerte les riverains de la rue pavée du barrage N°1, à la hauteur de dragon hôtel. Un coup d’œil dans le barrage et on aperçoit une ribambelle d’enfants et d’adolescents dans les eaux. C’est là que Marie Théophile Zongo et ses camarades se retrouvent chaque après-midi. En classe de BEP 1 électricité, l’élève de 18 ans dit passer après les cours de la journée pour faire baisser la température. « Pendant la période de chaleur, je viens nager dans l’après-midi avant de repartir à l’école. Souvent on a cours de 15h à 18 h et moi je viens me rafraichir en attendant ».
Il n’est pas novice en ces lieux qu’il dit fréquenter depuis très jeune. « Depuis qu’on était petit, nos grands frères nous envoyaient ici et on les regardait s’amuser. C’est vrai qu’aujourd’hui on est devenus des adultes, et on passe aussi pour se détendre quoi », dit Marie Théophile qui vient d’enfiler sa tenue scolaire et d’enfourcher son vélo pour repartir. Moustapha Tiendrébéogo, 18 ans, en classe de 4e est aussi un habitué. Avec une certaine fierté montrant le barrage de la main, il dira que c’est ici qu’il a appris à nager. « Quand il fait très chaud, on vient se doucher ici, et quand on part à la maison, on se lave encore », ajoute-t-il.
Assis en retrait, Guillaume Lionel Zabré observe les jeunes nageurs. Il y a quelques années, lui aussi descendait dans la retenue d’eau. « On a tous vécus ces moments-là. Je ne peux plus me mélanger aux petits frères pour nager. On reste à coté aussi pour garder un œil sur eux », dit-il, avant de préciser que quand les enfants se réunissent, il y a régulièrement des bagarres et des risques de dérapages. Lui se présente comme leur ange gardien.
« A la piscine c’est 1000 F, ici c’est gratuit »
Marie Théophile Zongo dit avoir appris à nager dans la piscine du club SONABEL. Mais il avoue que le prix de la séance de natation n’est pas à sa portée, raison pour laquelle il se contente du barrage. «Comme il n’y a pas assez de moyens pour y aller tout temps(…) Il faut 1500 par séance, ce n’est pas évident », explique-t-il. C’est le même argument avancé par Ismaël Tougouri, 15 ans. « Je viens ici tous les jours(…) A la piscine c’est 1000 F, ici c’est gratuit », tranche-t-il. Et Moustapha de renchérir sous les éclats de rires de ses camarades : « S’il n’y a pas l’argent tu ne peux pas partir à la piscine. Ici c’est piscine gratuite ouais… ».
Les jeunes nageurs disent être conscients des dangers qu’ils côtoient dans le barrage. Il y a des crocodiles dans les eaux. Ils le savent, mais cela n’entame pas leur volonté de nager. « Si tu ne provoques pas les crocodiles, ils ne te feront rien. Si tu as peur seulement, c’est l’eau qui va te prendre. Souvent on nage et on croise les crocodiles, on retourne », explique Moustapha entouré de quelques-uns de ses camarades à qui ils demandent s’ils ont peur des crocodiles, avant de répondre lui-même, « non, ils n’ont pas peur ».
Comme pour minimiser les risques, ils disent connaitre la position des crocodiles à chaque moment de la journée et en fonction de la position du soleil. Mais Moustapha, Marie Théophile, Ismaël disent n’avoir jamais été témoins de noyade. Par contre, ils expliquent qu’ils ont entendu dire que des enfants ont perdu la vie dans les eaux troubles du barrage.
Tiga Cheick Sawadogo