Ils parlent la même langue, ont les mêmes pratiques, les mêmes cultures, mais ils sont séparés par une frontière. Au-delà de cette petite barrière de fer, les populations de Dakola (Burkina Faso) et celles de Paga (Ghana) vivent en parfaite harmonie. Les jeunes ne s’encombrent pas de la notion de nationalité. Ils font les affaires et organisent des activités récréatives ensemble en territoire ghanéen ou Burkinabè.
Dans la zone neutre, communément appelée « no man’s land » entre le Burkina et le Ghana, l’activité économique n’est jamais à l’arrêt. Ressortissants ghanéens et burkinabè s’entremêlent pour commercer. Difficile de coller une nationalité sur la base de la langue dans ce melting pot. Le Kasséna parlé au Nord du Ghana et au sud du Burkina est principalement la langue d’échanges. Malgré la pandémie de la Covid-19, les vrombissements des tricycles sont incessants. Ces engins qui servent de taxi transportent des passagers du Ghana au Burkina, sous le regard indifférent des agents de sécurité.
Dans un de ces engins, est assise Aïchatou Sanfo, commerçante burkinabè. Elle est venue s’approvisionner en marchandises (des boissons gazeuses, du jus en paquet) en territoire ghanéen et s’apprête à rejoindre Dakola, à un jet de pierres de là. « Si on arrive ici, on change nos CFA en Cedis pour rentrer au Ghana acheter les marchandises, il n’y a pas d’histoires de papiers entre nous(…) C’est la même chose, le même pays. C’est comme quand tu quittes le marché pour aller à la maison et vice versa. Je parle le Kasséna et le ashanti», explique la commerçante.
Sous un arbre, Amza Songonti fait une partie de jeu de dame avec ses camarades. Jeune ghanéen, il parle couramment Kasséna et avoue seulement que c’est sur les papiers d’identité que la différence est marquée. « C’est vrai que nous sommes ghanéens, mais ici nous sommes pareils, il n’y a pas de différence surtout que nous parlons la même langue. Nous faisons les funérailles entre nous, les douas entre nous, il n’y a aucun problème. On fait tout ensemble », raconte-t-il.
Haopar, jeune conducteur de taxi-tricycle est ghanéen de par ses documents d’identité, mais il se considère également burkinabè. En plus du kasséna et de l’anglais, il parle également mooré. Rien d’exceptionnel selon lui. Au Ghana il se fait appeler Burkinabè, au Burkina, on l’appelle ghanéen. « Ici, c’est un lieu neutre (…) je comprends un peu mooré, parce qu’en plus de conduire ce tricycle, j’ai un petit kiosque où je fais du café, les gens qui viennent de Ouaga viennent souvent là-bas. C’est ainsi que j’ai lié amitié avec certains. Une amitié qui m’a même envoyé jusqu’à Ouaga », poursuit-il, tout sourire.
« Burkina is my second home »
La jeune commerçante burkinabè Aïchatou Sanfo dit se rendre régulièrement en territoire ghanéen, notamment à Navrongo « pour faire le show » (s’amuser le temps d’un week-end) ». C’est pareil pour Amza Songonti qui se fait inviter par ses amis Burkinabè à Pô, pour se détendre. « Mais quand il se fait tard, les gendarmes et policiers (Burkinabè, Ndlr.) nous réclament les papiers, alors que nous ghanéens ne nous promenons pas avec les papiers (pièces d’identité, carte grise de moto). On n’a souvent aucun papier sur nous…C’est souvent ce problème seulement, ils ne nous font rien mais peuvent nous garder pendant un temps avant de nous laisser partir », précise Amza qui avec une certaine fierté lâche « Burkina is a second home » (le Burkina est ma deuxième maison, pays).
Pour convaincre que le Burkina est sa deuxième nation, Amza qui aime le football cite des joueurs de l’équipe nationale de football du Burkina qu’il affectionne particulièrement : Pitroipa, Alain et Bertrand Traoré, Préjuce Nacoulma. « Bien que je sois ghanéen, je supporte plus le Burkina Faso, tout simplement chez nous le niveau est en régression alors qu’au Burkina les Etalons sont en progression », déclare le jeune homme dont le cœur bat pour deux pays.