Le niveau de développement du Burkina Faso ne permet pas de déguerpir les commerçants installés anarchiquement aux abords des avenues. C’est la ligne de défense du représentant du secteur informel au débat hebdomadaire de Studio Yafa. Pour l’invité, les déguerpissements vont détruire l’économie locale déjà en souffrance. Pour d’autres invités par contre, la voie publique ne saurait être transformée en rue marchande et aucun pays ne s’est développé dans le désordre et l’anarchie.
Les bulldozers de la mairie font grand bruit dans la capitale Burkinabè depuis quelques semaines. Ils détruisent les boutiques et autres installations marchandes jugées anarchiques aux abords des voies publiques. Ibrahim Ouédraogo alias Hakim, représentant des travailleurs du secteur informel à la chambre de commerce et d’industrie, dit assister à ces scènes avec désolation, le cœur meurtri. « Les acteurs du secteur informel endurent une grande perte, déjà à cause de la crise sécuritaire et sanitaire, nous pouvons dire que l’économie était en berne. Ça vient abattre encore l’économie nationale », regrette le commerçant.
Il insiste à plusieurs reprises pour dire que le niveau de développement du Burkina Faso ne lui permet pas d’imposer cela aux commerçants qui contribuent pour beaucoup à l’essor de l’économie locale. Effectivement reconnait Adama Pamtaba, chargé des relations publiques de la police municipale, le secteur informel est un partenaire privilégié de la marie de Ouagadougou. Il contribue à 80% à l’assiette fiscale communale. Par contre, il y a des normes à respecter, note l’invité. Il faut disposer d’une autorisation de la commune au préalable. Mais certains dont les installations sont détruites déclarent avoir des documents, relance le modérateur du débat, Souleymane Koanda.
Adama Pamtaba explique que l’autorisation d’occupation de la voie publique n’est jamais définitive, même établie par la mairie qui peut à tout moment demander à l’occupant de libérer les lieux. Elle est établie annuellement et prévient que les investissements sont faits aux risques et périls de l’investisseur. Pour le jeune bloggeur Rodrigue Sékoné, il faut simplement appliquer loi. « On ne peut parler de développement dans l’anarchie et le désordre », déclare-t-il. Au passage, il déplore l’argument de Ibrahim Ouédraogo qui évoque les dures conditions de vie des commerçants qui subissent les conséquences de l’insécurité et la pandémie de la Covid-19.
Force doit rester à la loi, consent le commerçant, mais est-ce que ce sont toutes les lois qui « nous sont bénéfiques », se demande-t-il, avant de répondre non. L’invite prévient que beaucoup de commerçants vont périr, parce que leurs investissements ont été réduits à néant du jour au lendemain. Pas exactement, rebondit le chargé des relations publiques de la police municipale. Il explique que ce n’est pas du jour au lendemain que les commerces ont été détruits. Il y a d’abord une notification écrite du maire adressée aux occupants qui ont une autorisation, leur donnant un délai. Si ce délai n’est pas respecté, un rappel leurs est adressé. Enfin, survient l’ultimatum de 3 jours. C’est passé tout cela que les bulldozers entrent en action. « Vous voulez quoi ? », lance-t-il au représentant des commerçants.
De Ibrahim Ouédraogo campe sur sa position. Détruire des investissements fait du mal aux commerçants et à l’économie, la mairie devrait plutôt réfléchir à d’autres alternatives, poursuit-il. « La mairie sait casser, détruire, mais ne peut pas construire…elle est censée aider les gens à se développer », s’offusque le commerçant qui prévient : « Vous allez les déguerpir 1000 fois, ils seront là 1000 fois…on va encore revenir, ils ne peuvent pas ». « Si c’est un combat qu’on va mener pendant 1000 ans, on va le faire (…) Il est du devoir des autorités locales de préserver la vie des citoyens en dégageant ces lieux », réplique le chargé des relations publiques de la police municipale.
Les actions de déguerpissement entreprises par la mairie ne sont certes pas favorables aux commerçants, mais peuvent être bénéfique au reste de la population dont la sécurité est ainsi préservée, penche pour sa part Rodrigue Sekoné.