Les mariages des Hommes de tenue qui tournent à des séances de formation militaire, le chef d’état-major général des armées n’en veut plus. Dans une note de service, le Général Moïse Miningou dénonce des « traitements humiliants » contraires à l’éthique militaire et exige leur cessation. Pour certains jeunes, témoins ou victimes de ces scènes de bizutage, il était temps d’y mettre fin, à cause des dérapages.
La copine de Emmanuel est militaire. Quand vint le moment pour lui de l’épouser, il est hanté par le bizutage que subissent les conjoints (e) qui convolent en juste noce avec les personnels des forces armées. Alors, il pose une condition : que sa future femme n’invite pas ses collègues à la cérémonie. « Je lui ai dit de ne pas prévenir ses gars. On a fait notre cérémonie en clando (Ndlr. dans la discrétion). Du coup, on n’a pas subi cette épreuve. Je lui ai dit que je ne voulais pas. C’est vrai qu’après, ses promotionnaires même étaient fâchés », explique-t-il.
Un cas rare, car la plupart du temps, ce sont les femmes qui sont des civiles dans les couples civilo-militaires et qui subissent les bizutages. « Effectivement. Il y a de ces mariages où la femme porte le gilet lourd, le casque. Ça fait un sacré poids avec sa robe de mariée. Et on va lui demander de faire marche canard. Ou bien on lui demande de faire une course de vitesse avec son mari. En robe de mariée, avec un gilet, ce n’est pas évident », déplore Madina (nom d’emprunt). Elle est gendarme. Mariée à un homme de tenue, elle explique que les manœuvres étaient supportables.
« Moi, j’ai pu le faire parce que moi-même je suis militaire. Donc ça ne m’a pas fatiguée. Le but premier, c’était de faire comprendre à la femme comment son mari a souffert. Mais c’était juste le b.a.-ba de la vie militaire, des petites manœuvres de juste 5 minutes. Généralement les manœuvres qu’on fait sont un peu symboliques. On vous demande de descendre, faire semblant de pousser le véhicule, après on demande à l’homme de porter sa femme et à la femme de prendre son mari. A la réception on fait un mélange de nourriture pour leur faire manger», poursuit Madina qui reconnait de plus en plus des dérapages.
Pour un civil qui n’a pas subi de formation militaire, la jeune gendarme soutient que ces manœuvres peuvent être un supplice qui laisse des séquelles. « Les gens ne sont pas pareils, on n’a pas tous subi la formation militaire, on peut avoir des maladies qui ne permettent pas de faire ces manœuvres. Les Hommes de tenue ne savent pas souvent ce que la femme a par exemple. Quand les manœuvres sont intensifiées, ce n’est pas évident que la femme puisse tenir », poursuit Madina. Pour elle, il faut encadrer ces bizutages, garder le caractère symbolique et non les interdire.
La décision a suscité une flopée de réaction sur les réseaux sociaux, chacun expliquant sa mésaventure. « J’ai assisté au mariage de mon fils(…) Mais sans mentir j’ai été indigné ce jour car malgré la grossesse de 6 mois que portait la mariée, les collègues de mon fils ne se sont pas gênés de la manœuvrer avec son mari. J’ai fini par intervenir pour éviter le pire pour la femme mais c’était peine perdue. Quel grand risque pouvant menacer la vie de la femme et de la grossesse qu’elle portait. La décision est la bienvenue », témoigne Teeltaaba, un internaute.
Dans sa note de service, le chef d’Etat-major général des armées dit avoir constaté des « pratiques assimilables à des sévices lors des mariages du personnel des forces armées nationales(…) contraires à l’éthique militaire » et qui « constituent une atteinte à la dignité des victimes ». Ce n’est pas la première fois que l’armée interpelle son personnel sur ce fait. Dans une précédente note de service datant du 22 mai 2015, « les excès » avaient été interdits. Cette fois, le Général Miningou invite les bureaux de garnisons à effectuer des contrôles pour faire cesser tout excès constaté.