La situation ne s’apaise pas dans les relations tendues entre la France et le Burkina Faso, depuis que le pays a connu un nouveau coup d’État le 30 septembre 2022. La partie française vient d’en rajouter une couche, le 6 août 2023, avec la suspension de toutes ses actions d’aide au développement et d’appui budgétaire au Burkina Faso. Un manque à gagner pour l’Etat et les populations, mais également une occasion d’affirmation de la souveraineté nationale selon plusieurs analystes.
L’économiste et consultant, Dr Bouraïma Sawadogo explique que le portefeuille des projets financés par la France au Burkina Faso était d’environ 769 millions d’euros (504 milliards de F CFA) soit 15% des financements de la zone du Sahel en 2022.
Par ailleurs, il note qu’au moment de la suspension, les projets en cours de l’aide française au développement au Burkina Faso représentait un montant de 482 millions d’euros (316 milliards FCFA). Dr Sawadogo fait savoir également que l’aide pour alimenter le budget national programmé pour l’année 2023 était de 13 millions d’euros (8,5 milliards). De cela, il découle que la suspension de l’appui français au Burkina Faso concerne 325 milliards de F CFA qui étaient en cours d’exécution.
Les conséquences de la suspension pour le Burkina Faso
Pour Dr Sawadogo, la première conséquence de cette suspension devrait se traduire par un rétrécissement des ressources budgétaires de l’État avec son corollaire qui est le creusement du déficit budgétaire. Le secrétaire exécutif du Centre d’Études et de Recherche appliquée en Finances publiques (CERA/FP), Hermann Doanio, économiste des finances publiques, soutient que la première conséquence sera le manque à gagner en termes de ressources financières pour le financement de certains projets d’investissement publics.
Et si cela n’est pas réglé, au plus vite, il y aura, complète Dr Sawadogo, l’arrêt de l’exécution des projets dans les domaines d’intervention de l’Agence française de Développement (AFD) que sont l’énergie, la sécurité alimentaire, l’eau potable et assainissement, l’aménagement du territoire et développement des collectivités surtout affectées par l’insécurité, etc. Cette conséquence va se répercuter, selon l’économiste, sur les populations bénéficiaires et les acteurs impliqués dans l’exécution de ces projets connaîtront certainement un chômage technique.
Or, de l’avis du secrétaire exécutif du CERA/FP, on ne saurait tenir les populations responsables des décisions de leurs dirigeants, « à moins que cette prétendue aide ne poursuive des objectifs déguisés du donateur qui est la France dans le cas présent ». Lianhoué Bayala, doctorant en Études culturelles africaines, a la même analyse. Pour lui également, « les personnes employées pour la mise en œuvre de cette aide vont se retrouver sans statut professionnel ».
Que faire maintenant?
Lianhoué est convaincu que la suspension de l’aide au développement de la France constitue une occasion pour l’affirmation de la souveraineté du Burkina Faso. Quant au Dr Bouraïma Sawadogo, cette décision de la partie française peut engager les autorités burkinabè à privilégier des solutions endogènes, comme dénicher de nouvelles sources de recettes fiscales.
Hermann Doanio poursuit dans le même sens : « Le Burkina Faso a d’importantes niches fiscales non exploitées qui pourraient être fiscalisées ». Il ajoute que « les recettes qui en découleraient pourraient venir combler le manque à gagner engendré par la suspension de l’aide française ».
Toutefois, l’économiste et consultant Bouraïma avertit: il faut éviter de trop essouffler la population qui paie déjà un lourd sacrifice en supportant pas mal de taxes supplémentaires dans le cadre du financement de la guerre. Il souhaite que cette suspension amène l’État burkinabè à insister sur « l’assainissement et l’optimisation des dépenses publiques ».
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Hermann Doanio dit craindre que les populations soient exposées à des chocs socioéconomiques dus à la suspension de cette aide, qui s’apparente à une opération de chantage de la part des autorités françaises.
Boureima Dembélé