Abdoul Fathave Bikienga a perdu la vue mais pas le courage de se battre. Aveugle depuis l’enfance, il rejette toute idée de tendre la main pour mendier. Canne blanche en main, Abdoul fait le tour du grand marché de Ouagadougou pour vendre des crédits de communication.
La canne dans la main gauche, le téléphone collé à l’oreille, Abdoul Fathave est en pleine opération de transfère de crédit téléphonique. La technique de vente du jeune Abdoul, déficient visuel attire les regards. Le seul repère du vendeur d’unités, le son du clavier de son téléphone. « J’ai commencé cette activité de commerce ambulant en 2020, pendant les vacances. Je le fais aussi à mes jours libres », explique-t-il.
Abdoul Fathave refuse toute idée de mendicité. A l’entendre, la vie est dure pour tout le monde. « Il ne faut pas s’asseoir parce qu’on ne voit pas pour mendier. Ceux qui nous donnent peuvent aussi en manquer un jour », dit-il.
En vacances depuis fin mai, le jeune élève de la classe de 5e a repris son activité. Il quitte son quartier, Kalgondé, chaque matin pour, d’abord, s’approvisionner dans les différents agences des téléphonies mobiles. Il recharge ses trois comptes, les deux premiers à 3000 FCFA et le dernier à 4000F. Direction, le grand marché où il passe une partie de la journée pour écouler ses unités.
« Beaucoup de gens sont étonnés de voir un aveugle vendre des unités, puisqu’il faut pouvoir voir pour composer les numéros et les codes », commente-t-il. « Moi, poursuit-il, je vois avec mes oreilles et mes dix doigts. Je sais composer les numéros et les codes d’envoie ». Le jeune aveugle a un recette journalière de près de 10 000F CFA. Il estime qu’il pourrait mieux faire . « Je n’ai pas beaucoup de moyens pour acheter plus que 10 000F d’unités. Sinon je peux vendre plus que ça. Quand je charge le matin à 8h, dès 12h, je peux tout épuiser et je recharge encore mon compte », raconte-t-il.
Toussaint Sankara, commerçant au grand marché est l’un des clients de Fathave. Il achète toujours ses crédits de communication chez le jeune déficient visuel. « Je n’en revenais pas quand j’ai constaté qu’il était aveugle alors qu’il revendait des unités de téléphonies mobiles. Il faut véritablement encourager ces genres de personnes qui malgré leur handicap montre l’exemple de combativité », dit-il.
Carine Tapsoba, vendeuse de pagnes bazin achète aussi ses crédits de communication chez le jeune Fathave. « J’ai toujours les larmes aux yeux quand je regarde Fathave. Il m’inspire. Il est un modèle de courage et d’espoir », commente la commerçante. Abdoul rêve d’ouvrir une boutique de vente de crédit de téléphonie mobile. Il entend aussi se lancer dans l’élevage qui le passionne tant.