L’oignon est l’un des principaux produits d’exportation du Burkina Faso, classé 4e pays africain dans la production. Beaucoup de producteurs tirent de gros revenus de la commercialisation de ce condiment utilisé pour assaisonner et parfumer les plats. Cependant, derrière ce condiment indispensable à la cuisine se cache une réalité moins reluisante : celle des acteurs qui font face à de nombreux défis pour tirer profit de leur activité.
Au comptoir de stockage d’oignon de la ville de Koudougou, des dizaines de sacs d’oignons sont empilés dans un hangar en attendent d’être vendus sur le marché local ou exportés vers les pays voisins. Ce jour-là, le site est calme. « Ce n’est pas la bonne période pour l’oignon. Sinon, quand vous arrivez ici à la bonne période, c’est la bousculade », indique Seydou Ouédraogo, plus de la quarantaine, président de la coopérative Zemstaaba. Ce producteur ne cache pas. La filière oignon est porteuse et même prometteuse.
« Dans le passé, nous produisions beaucoup plus pour l’exportation en Côte d’Ivoire au Ghana et au Togo. Mais depuis un certain temps, l’oignon est entré dans les habitudes alimentaires des Burkinabè », se satisfait Seydou Ouédraogo. Il estime à environ 30%, la production vendue sur le marché local au lieu de 10% il y a quelques années.
La consommation locale a augmenté à la grande satisfaction des producteurs. Théodore Bazié, âgé d’une quarantaine, reconnait l’essor de la filière. « L’oignon nourrit son homme. Ça dépend de comment tu produis. Les oignons qu’on récolte en décembre, on peut vendre le sac de 100 kg à 80 mille ou 90 mille FCFA», avoue-t-il. Théodore Bazié est à mesure de produire au moins 400 kg par campagne.
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Les paysans l’ont compris. Beaucoup ont décidé de se convertir en producteur d’oignon. « Sur la superficie que tu utilises pour cultiver l’oignon, tu peux avoir beaucoup d’argent, acheter la même quantité de maïs que ton champ aurais produit et te faire encore des économies », assure-t-il. C’est en classe de CM2, lorsqu’il a décidé d’arrêter ses études qu’il s’est mis dans la culture de l’oignon. Depuis, il est un producteur qui s’en sort bien. En effet, la production de l’oignon a progressé de 50% en l’espace de dix ans, passant de 242 258 tonnes en 2008 à 362 480 tonnes en 2018 selon Investir Burkina.
Pourtant, cette augmentation de la production a des conséquences sur la filière. Le prix de ce condiment varie selon les marchés et les périodes. Par ignorance, certains producteurs livrent la production a des prix qui ne respectent pas les règles du marché. « Comme les producteurs ne sont pas sont organisés, chacun trouve son client et vend comme il veut », déplore Bazié. La faiblesse des retenus d’eau est un autre facteur qui freine le développement de la filière.
Les tracasseries policières
Une fois l’oignon produit, il faut le transporter vers les lieux de vente et d’exportation comme au comptoir de Koudougou. Il est ensuite convoyé sur d’autres marchés au niveau national et vers le marché extérieur. Adama Nassa est exportateur d’oignon depuis 1978. Il connaît bien les routes qui mènent aux pays voisinx par cœur. Ce qu’il redoute le plus sur les routes, ce sont les tracasseries policières.
« Nous souffrons beaucoup des tracasseries. La police t’arrête, tu vas payer. La gendarmerie t’arrête tu vas payer. La douane t’arrête tu vas payer (…). Souvent, quand on transporte nos oignons, il y a des agents qui demande les titres d’origine alors que ce sont des papiers qu’on peut récupérer à la frontière », se plaint Adama Nassa. Les titres d’origine sont des documents qui certifient l’origine et la qualité de l’oignon. Il permet aussi de garantir sa traçabilité tout au long de la chaîne de valeur.
Ces obstacles n’aident pas les producteurs burkinabè à affronter la concurrence. « Le marché ivoirien est un carrefour de commercialisation de l’oignon. L’oignon du Niger, de la Hollande, du Maroc, de la Tunisie, tout est convoyé en Côte d’ivoire. Pourtant, notre oignon est plus cher. Donc, nous ne pouvons pas faire face à la concurrence », concède Seydou Ouédraogo.
Un oignon très prisé
Pourtant, l’oignon du Burkina Faso qui se reconnaît à son goût piquant, n’a rien à envier aux autres en termes de qualité. Il est très prisé sur le marché international selon Seydou Ouédraogo. « Demandez aux femmes, elles vous le confirmeront. C’est surtout le fait que ça pique qui fait la différence. Les autres concurrents le reconnaissent. Mais, ça coûte plus cher et nous n’avons pas les moyens de produire en grande quantité ».
Le Nigeria, par exemple, produit de l’engrais destiné spécialement à son oignon « au Burkina, les gens utilisent l’engrais du maïs », regrette Seydou Ouédraogo. Il rappelle également que, le carburant est moins cher au Nigeria. Cela rend moins coûteux le transport de l’oignon dans ce pays.
Le contexte sécuritaire national marqué par les menaces des groupes armés rend l’accès à certaines zones difficile, voire impossible. « Par exemple, il y a des producteurs qui sont allés acheter de l’oignon à Ouahigouya, ils ont fait 30 jours là-bas. Ils ont tout abandonné pour revenir », se lamente-t-il.
De plus, les assurances rechignent à couvrir les risques du transport de ce produit périssable. « Quand tu dis que tu es dans l’oignon, les gens ont peur (…) Les assurances refusent parce qu’en deux semaines, ça peut pourrir », avoue Nassa.
Trouver des solutions
La question que les producteurs se posent désormais, c’est comment faire face à la concurrence internationale. L’utilisation des semences améliorées fournies par l’Institut de l’environnement et de la recherche agricoles (INERA) permet d’augmenter la production et de mieux résister aux maladies.
Les variétés locales une fois récoltées tiennent plus longtemps que celles améliorées. C’est pourquoi Théodore Bazié et Seydou Ouédraogo appellent les producteurs à recourir à la fumure organique et de développer des semences adaptées à la culture de contre-saison.
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Pour que le travail soit aussi récompensé, il faut que la production soit bien vendue. Les acteurs de cette filière cherchent ainsi à diversifier les marchés. « La Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo. C’est notre marché depuis 20 ans. Mais la production a augmenté alors que le marché reste le même. Il faut trouver d’autres marché. On peut essayer d’explorer les marchés du Cameroun, le Gabon pourquoi pas l’Europe », projette un acteur de la filière.
Pour relever ces défis, les acteurs de la filière oignon comptent sur l’appui des autorités publiques. Il s’agit de mettre en place une politique d’exportation de l’oignon et de prélèvement de taxes sur les productions exportées. Une telle initiative pourrait développer le secteur comme cela se fait pour d’autres cultures comme la noix de cajou.
Boukari Ouédraogo