A la fois élément de l’identité culturelle, la crêpe bissa ou « Boussang touba » est aussi une habitude alimentaire du Bissa kou (pays bissa). De nos jours, c’est devenu une source de revenus pour les femmes.
C’est un mets composé d’une couche plus ou moins fine de pâte faite à base de farine de haricot. De forme ronde, la crêpe se mange chaude ou froide, en général salée (ou nature) arrosée d’huile (d’arachide). Il est souvent un plat principal ou un »trompe-faim », en attendant un autre repas. En français, on pourrait l’appeler crêpe bissa. En langue bissa, le dialecte parlé à Zigla-Polacé, localité située dans le département de Garango de la province du Boulgou dans la région Centre-Est au Burkina Faso, on l’appelle « San Sa ».
« Can sa » dans le bissa d’autres localités. Mais le nom sous lequel elle est plus connue, elle le tient de la parenté à plaisanterie. En effet, c’est quand on dit « Boussang touba », « oreilles de bissa » en mooré, qu’elle est vite reconnue. Barnabé Bandaogo donne l’origine de cette appellation : « Ce sont nos parents à plaisanterie, les gourounsi qui profitent pour se moquer de nous, en appelant ça Bousang touba en mooré qui signifie « oreilles de bissas »».
« Boussang touba », mode de préparation
Habibou Saré est vendeuse de crêpes bissa depuis 10 ans. Côtoyant la quarantaine, la tête baissée sur sa poêle traditionnelle, elle verse la pâte et retourne les crêpes pour cuire la seconde face. Habibou qui nous apprend qu’elle tient cette activité de sa mère, s’empresse de préciser que ce n’est pas un héritage familial. Elle est la seule de sa fratrie à faire les crêpes et n’importe qui peut le faire.
Parlant de la recette, elle explique que pour faire des crêpes bissa, il faut du haricot. On débarrasse le haricot du son, on le lave, puis on le laisse sécher au soleil. Cette phase passée, on écrase le haricot et on fait une pâte avec la farine obtenue.
Cette pâte, qui est un mélange avec la farine de haricot, de l’eau et de la potasse, doit être laissée au repos environ 15 mn avant de passer à la casserole. Pour la cuisson, la vendeuse de crêpe nous fait savoir qu’on met de l’huile légèrement, souvent même avec un chiffon imbibé pour que ça ne soit pas trop, dans la poêle traditionnelle qui est à feu doux, et on met la pâte. Quand le premier côté est cuit, on renverse afin de cuire le second aussi.
A la fois identité culturelle et habitude alimentaire
A écouter Barnabé Bandaogo, environ 50 ans, aventurier revenu au pays et résidant à Zigla-Polacé, ces crêpes ont presque toujours existé dans les habitudes alimentaires des bissas. Regardant le ciel comme pour y rechercher ses souvenirs, il fait savoir que lui-même ses parents sont nés trouver que ce plaisir gourmand est consommé. Yacouba Bancé, un client, habillé en tenue de travail, visiblement cultivateur, tenant d’une main une assiette de « Boussang touba » et de l’autre une moitié de crêpe et mâchonnant dit que « c’est un met typiquement bissa », ajoutant que « c’est la tradition bissa».
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Barnabé affirme que tel que c’est fait, on ne retrouve cela nulle part ailleurs que dans le Bissakou. Il confie aussi qu’il n’est pas rare de retrouver les crêpes bissa dans presque toutes les cérémonies traditionnelles ou autres organisées par des Bissas. A l’en croire, ce mets « San sa » tient cette appellation du fait que c’est un fast food : « Le nom san sa est venu du fait que la cuisson est rapide ». Il explique qu’avec les travaux champêtres, les femmes travaillant beaucoup, font patienter les enfants affamés avec ce repas vite fait, en attendant le menu principal.
Boussang Touba, une source de revenus
Le commerce de crêpes bissa est la principale, sinon l’unique source de revenus de Habibou Saré. « Je vends les crêpes pour nourrir ma famille ! », dit-elle. Vendant deux crêpes à 25 F CFA, elle nous apprend qu’avec trois plats de haricot, elle peut récolter en tout 5000 F CFA après la vente. Cela, malgré le fait que sa famille mange une partie. A ce propos, elle dit que c’est ce que ses enfants mangent quand ils reviennent de l’école à midi. Et encore le soir si elle n’arrive pas à tout écouler, ce sont les crêpes qui sont au menu du diner, « et on n’a plus besoin de faire la cuisine », se satisfait-elle.
Yacouba Bancé, rencontré chez la vendeuse de crêpes, assure que « c’est très bon». Pour être rassasié, il dit qu’en principe 200 F CFA devraient suffire, « à moins d’être un gourmand ». Mais Yacouba complète qu’en plus du fait que les crêpes font partie de ses habitudes alimentaires et sont un mets qui fait partie de sa culture, son caractère fast food en rajoute à la justification de la fréquente présence du San sa dans les assiettes. Etant cultivateur, il estime que c’est facile de faire le San sa et rapidement manger afin de reprendre les travaux champêtres.
Boureima Dembélé