Depuis le Burkina Faso où ils résident, des ivoiriens suivent avec enthousiasme le retour au pays de l’ancien président Laurent Gbagbo après 10 ans. Pour certains, ce 17 juin est un grand jour qui va marquer le début d’une véritable réconciliation.
Rosine Tano avoue n’avoir pas pu dormir hier nuit. La joie et la ferveur du retour du président Gbagbo ont eu raison de son sommeil. Arrivée au Burkina Faso il y a 8 ans au lendemain de la crise ivoirienne, Rosine qui tient un grand salon de coiffure à Ouagadougou ne cache pas son admiration pour l’ancien célèbre prisonnier de la Haye.
« C’est parce que je suis au Burkina sinon à l’heure-là j’étais à l’aéroport. Je bénis le nom de l’éternel qui a gardé le président en vie, ce n’était pas du tout évident. Hier je le disais à mon mari. J’ai regardé la photo du jour de l’arrestation de Gbagbo, il y avait Hambak et Watao sur la photo, mais ces deux hommes ne sont plus, ils sont tous morts et le président vit toujours», dit-elle, de haute voix.
Manager d’un espace récréatif dans la capitale Burkinabè, Paul Amodjé vit au Burkina depuis 5 ans. « C’est une ère nouvelle qui s’ouvre pour la Côte D’Ivoire. Ça fait plusieurs années que nous attendons ce moment. Nous prions pour que le retour de notre président nous arrange pour que nous qui avons quitté la cote d’ivoire puissions rentrer », dit-il.
La fête, il dit l’avoir déjà commencée pour manifester sa joie et commémorer cet événement historique. « Ce matin, je n’ai bu que 5 bouteilles de bière pour manifester ma joie, dans la journée ça sera gâté(…) Dans peu de temps, je vais rentrer prendre ma douche et porter mon tee-shirt Laurent Gbagbo que j’ai fait faire », ajoute-il.
Près de lui, un groupe de jeunes filles prend son petit déjeuner. Le sujet de discussion autour de la table, c’est le retour de celui qu’elles appellent « woudi » (garçon en langue bété). « Le woudi, c’est un 10, ce n’est pas n’importe qui. C’est un bété 100%, je suis contente et fière. Le mogo là est sans façon. Quand il est là, on est à l’aise », lance Carole Toh, en nouchi- argot ivoirien-après avoir esquissé quelques pas de danse.
Un pas vers la réconciliation ?
Selon des ivoiriens que nous avons rencontrés, le retour de Laurent Gbagbo va donner un coup d’accélérateur à la réconciliation nationale. « Depuis hier, les gens ont veillé en Côte d’Ivoire. C’est un leader, c’est notre leader, notre chef. Ce qu’il va dire, on va suivre (…) il faut que les leaders des deux camps parlent à leurs partisans. Nous on aime se gbri gbri, mais on laisse tomber. On n’aime pas trop palabres, on aime bruit seulement », analyse Rosine Tano. Un acteur clé de la réconciliation nationale, c’est également ce que pense Paul Amodjié de Laurent Gbagbo. Il estime que si l’homme politique a décidé de revenir dans son pays, c’est parce qu’il est prêt à œuvrer à apaiser les cœurs.
Artiste chanteur et designer, Cyrile Bosso a passé 12 années au « pays des hommes intègres ». Naturalisé Burkinabè, il ne s’intéresse pas moins à l’actualité de son pays d’origine. Pour lui, il était impossible de parler de réconciliation pendant que certains étaient en prison. «Je suis très content. Je suis originaire de Gagnoa, donc Gbagbo et moi venons de villages voisins. Tout cela n’a pas été simple avec les 10 ans passés à la Haye », dit-il.
Dans un restaurant ivoirien, une dame qui n’a pas souhaité décliné son identité tempère cet enthousiasme. Pour cette dernière, il n’y a pas de lien entre le retour du Président Gbagbo et la réconciliation. « Tous les prisonniers sont-ils libérés ? Non. Tous les exilés sont-ils rentrés ? Non. Il y a des acteurs majeurs comme Guillaume Soro qui sont dehors », analyse la dame qui relativise ainsi l’enthousiasme sur le retour de l’enfant de mama, du nom du village de Laurent Gbagbo.