Dans la cour royale de Tiébélé, les maisons sont des œuvres d’art. L’ingéniosité et le savoir-faire des femmes donnent de la couleur aux constructions. Culture et identité Kasséna, le Dora (peinture murale traditionnelle) est un héritage que les femmes transmettent aux jeunes filles. Elles prennent progressivement le relai pour perpétuer cet art pictural qui parle sur les murs.

Belverine Aneyan ou la princesse qui ne connaissait pas le dora (peinture murale kasséna). Ainsi peut-on résumer l’histoire de la jeune fille de 21 ans, ressortissante de la cour royale de Tiébélé. « Je ne m’intéressais pas à cela bien que ça se faisait devant moi », reconnait-elle. Puis vint le jour où les filles de son école sont choisies pour passer un séjour d’initiation au dora dans la cour royale. La honte pour Belberine devant ses camarades qui s’étonnent qu’elle n’y connaisse rien de cet art. Le tir est vite rectifié, non sans difficulté.

« Au début, ce n’était pas simple de ramasser la bouse de vache, de délayer cela. Ca dégoutait et ça sent mauvais », dit-elle. Dans un coin de la cour royale, des jeunes filles sont en pleine activité de préparation à la peinture. Les chansonnettes et les battements de mains leur permettent de supporter une chaleur étouffante. Belverine et ses camarades s’affairent à transformer un mur nouvellement construit en œuvre d’art.

C’est avec des matériaux locaux que la peinture est préparée. Le rouge de la latérite, le blanc du kaolin, et le noir du granite entrent dans la composition de la peinture. Mais avant, « il faut de la terre cuite mélangée à la bouse de vache, on ajoute de l’eau avant de bien malaxer afin que ce soit collant. Une première couche épaisse, une deuxième plus liquide. Ensuite de la bouse de vache pour consolider les deux couches. Après, on utilise des petites pierres pour lisser, on met les dessins avec des plumes », explique Jeannine Aneyan, 20 ans en classe de terminale.

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Selon le guide touristique Hyacinthe Akouabou, les dessins sur les murs n’ont pas qu’une finalité esthétique. « C’est aussi une façon de perpétuer une histoire : ce sont des écrits. Derrière l’esthétique, ce sont des messages que les murs transmettent. Par exemple, le boa est la réincarnation de la grand-mère décédée. La tortue représente le porte bonheur de la cours royale, le lézard est le visiteur des nouvelles constructions», explique le jeune guide en montrant du doigt les différentes peintures.

Le dora est généralement pratiqué par les femmes à la fin des récoltes. C’est le symbole d’une solidarité entre elles, puisque l’activité est menée avec d’autres femmes dans une bonne ambiance. Anou, 50 ans, observe les jeunes filles à l’œuvre. « A notre temps aussi on était curieuses de savoir comment ça se passe », dit-elle. Pour Anou, toutes les filles kasséna doivent savoir peindre. « C’est inadmissible qu’une fille kasséna se marie sans connaitre cela », clame la femme.

En plus de l’embellissement des murs et de la cour, le dora selon Jeannine est le véhicule d’une culture, d’une identité. Elle reconnait être en apprentissage continue. « Ça permet de valoriser la culture kasséna. Les dessins par exemple disent beaucoup de choses. C’est difficile de tout retenir. Je suis toujours en apprentissage. Dans trois ans, je serai plus aguerrie et professionnelle », ajoute la jeune apprenante.

Le savoir-faire des femmes de Tiébélé à travers le dora est reconnu au-delà des frontières de la commune. Elles sont ainsi souvent invitée à partager leur savoir en Europe et et Asie. Les jeunes filles l’admettent, c’est une autre source de motivation. « Un jour si je me marie, je pourrai faire cela chez mon mari. Et même que je pourrais être invitée en France, en Chine comme mes mamans. J’aimerai aller aussi là-bas. J’ai vu les photos de leurs voyages et ça m’inspire», dit-elle.