Un baobab sacré qui exauce les vœux, protège et purifie. A Toumousseni, village situé à une vingtaine de kilomètres de Banfora, on y croit. Les gens viennent d’un peu partout du Burkina et d’ailleurs, avec leurs poulets, entrent dans les entrailles de l’arbre, formulent leurs vœux dans l’espoir d’avoir ses faveurs. Visite guidée d’un patrimoine culturel et touristique en pays turka, qui aurait protégé le village des campagnes de Samory Touré et de la colonisation.
Dire Toumousseni et l’image qui vient en tête, c’est ce géant baobab qui trône à l’entrée d’une vaste cour familiale. A une vingtaine de Km de Banfora, la capitale de la région des Cascades, le village est remarquable par ses multitudes rôniers et ses vastes plantations d’anacarde. Sous un arbre juste à côté de l’imposant baobab, le vieux Noumbié Koné est confortablement assis dans une chaise. A ses côtés, un vieux poste radio qui lui tient compagnie.
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A tout moment de l’année et de la journée, il est là. Il ne voyage jamais. Même pour acheter son bandji ou son cola, il commissionne. C’est le 11e gardien du baobab depuis une quarantaine d’années. « Il m’a choisi comme son gardien », nous dit le vieux, sur un ton autoritaire comme pour affirmer sa conviction.
Dans le village, le baobab traverse les générations mais sa vénération reste intacte. Toumousseni a une histoire liée à ce gros arbre. « Il a sauvé nos ancêtres au temps de la colonisation. Samory Touré aussi venait prendre nos jeunes gens pour les vendre en esclaves. Nos jeunes étaient en train de labourer la terre et les femmes faisaient le beurre de karité. Il est arrivé avec ses soldats à la recherche des esclaves. Il a été contré ici. Il n’a vu que deux vieilles et deux vieux », explique le gardien.
Selon lui, le baobab s’est ouvert et a offert son hospitalité à ceux qui fuyaient l’oppresseur. Et depuis, l’arbre aurait juste demandé au village de lui donner un seul poulet blanc pour sceller une alliance.
Dans les entrailles du mystérieux arbre
C’est un rituel chaque matin. Au réveil, Noumbié Koné se dirige vers le baobab. Comme s’il entrait dans une cour, il s’annonce en tapotant sur le tronc. Une ouverture comme une porte taillée dans le baobab permet de s’y introduire en se pliant.
Une fois à l’intérieur, le gardien s’installe sur un banc. Il se saisit d’une clochette secoue vigoureusement et marmonne des mots. De longues tiges comme des lianes pendent. Il les saisit et d’un geste dynamique également, remue.
« Le baobab représente notre patrimoine culturel. Si tu as des problèmes, tu viens dans ce baobab, tu trouveras solution. Mais gare à un ennemi, à un sorcier », prévient le gardien. Avant de ressortir, de la paume, il enlève de l’eau du creux incrusté dans l’arbre comme un récipient. Ce serait de l’eau miracle générée naturellement par le baobab et qui aurait des vertus purificatrices pour celui qui en boit et s’en badigeonne.
Un baobab qui sait se faire entendre
A l’entrée des ‘’entrailles’’ du baobab, on peut remarquer les formes d’une porte, mais refermée. Selon le gardien, c’était la première porte, elle s’est refermée quand, il y a plusieurs années, celui qui devrait assurer le gardiennage du site était en aventure en Côte d’ivoire et avait voulu refuser la charge. « Il voulait y rester. Quand il est venu, les anciens sont venus demander pardon et faire le sacrifice du poulet et une autre porte s’est ouverte », explique-t-il.
Une présence discrète mais permanente, celle des abeilles. Un essaim gît au dessus de l’autel où sont faits les sacrifices. Les abeilles se présentent comme les ‘’gendarmes’’ du baobab. Malgré le monde qui défile en ces lieux, les abeilles restent sages et ne s’en prennent qu’à ceux qui n’auraient pas un cœur pur et seraient animés d’intentions malveillantes.
Suspens sur le successeur
Aux côtés du vieux Koné, se tient toujours le benjamin de la famille, Sibiri Koné. Le jeune de 20 ans apprend chaque jour les secrets du baobab auprès de son gardien actuel. Mais insiste le vieux, le jeune Sibiri n’est pas son successeur naturel. « Les enfants de maintenant ne respectent pas les vieux. Moi j’ai été soumis aux vieux et j’ai été choisi. Quand le moment va venir, je vais proposer quelqu’un pour me remplacer, mais je ne sais pas si le baobab va accepter », dit-il, arrachant un petit sourire au jeune Sibiri.
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En attendant, c’est lui qui fait les courses chaque année pour préparer la fête du baobab. « Chaque fin d’année, c’est moi qui fais le tour des villages pour chercher les poulets pour la fête. Les gens vont venir faire les sacrifices, danser, boire », note le jeune élève.
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Le baobab sacré de Toumousseni continue de drainer du monde. Des curieux qui voient en lui un site touristique, d’autres qui viennent lui confier leurs intentions. Les périodes les plus fastes de l’année sont celles qui précèdent les examens et les concours, nous dira Sibiri. Des ambassadeurs, des députés, des ministres, des hauts cadres, des chrétiens, musulmans viennent régulièrement pour bénéficier de l’ombre protecteur de cet arbre séculaire.
A partir de 18h, le gardien Noumbié quitte le baobab. A partir de cet instant nous murmure-t-il, « la place est laissée aux esprits du baobab ».
Tiga Cheick Sawadogo