Elles sont mariées, mais vivent comme des célibataires. Leurs maris sont partis à l’aventure et ne reviennent parfois que pour un bref séjour. Ces femmes d’aventuriers doivent élever seules leurs enfants.
Azara Sorgho, 41 ans, a l’air sûr d’elle. Physiquement en forme, elle tient une boutique de vente de pagnes, de bijoux, de chaussures et divers articles au marché de Tenkodogo. Depuis 13 ans, Azara vit pratiquement seule avec ses enfants. Son mari est parti à l’aventure.
Chaque année, il revient passer juste un mois auprès des siens. En dehors de ce bref séjour, Azara doit jouer le double rôle de père et de mère de famille. « Ce n’est pas simple », soupire-t-elle quand elle évoque l’éducation des trois mômes en l’absence de leur père. Sur un ton triste, elle avoue que malgré ses rappels à l’ordre quand ils sont en faute, ses enfants ne l’écoutent pas.
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Et même, quand leur père est là, il n’a pas de lien étroit avec ses trois filles. Du coup, ils « n’ont pas trop de causeries avec lui, si ce n’est pas lui qui leur parle », révèle-t-elle. Azara Sorgho n’est pas seule. Plusieurs autres femmes font cette expérience. Elles sont mariées mais sont en réalité des célibataires géographiques.
Long silence et questions sans réponses
Diane Zampou dans une combinaison moulante, 38 ans, tête coiffée à ras, gère un restaurant à Tenkodogo. Entre deux clients, elle marque un arrêt pour nous raconter son histoire. Son mari est parti à la quête d’un meilleur être, ailleurs. Il y a 11 ans. Elle n’a pratiquement aucune nouvelle de lui depuis des années. A-t-il refait sa vie ? Reviendra-t-il un jour ? Ce sont des questions qui taraudent l’esprit de Diane, qui vit dans l’incertitude.
Drapée dans son voile, Kadidia Gouem a l’air timide. L’ancienne collégienne s’exprime bien en français. A peine la trentaine, en pleine activité dans une association dont elle est membre, elle cuisine des crêpes appelées « boussang touba ». Son mari est également parti il y a neuf ans. Elle l’a revu il y a sept ans lors d’un bref séjour.
Depuis, elle scrute l’horizon, espérant son retour. Mais en attendant, Kadidia se sent abandonnée. Comme pour se consoler, elle estime que c’est pour le bien de la famille que son mari a dû partir. « Comme au Burkina ici il n’y a pas travail, comment on va faire ? Si on reste ici tous les deux ahh! S’il y a maladie, trouver à manger même sera un problème. Donc je préfère qu’il parte, il revient il part il revient…», dit-elle.
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Azara, Diane et Kadidia ont envie de revoir leurs maris et se retrouver dans la chaleur de leurs bras et de leur affection. « Il arrive qu’on ait envie de nos maris. Mais comme il n’est pas à côté, on fait avec », confesse Azara.
Tirant leçons de leurs propres expériences, ces femmes qui se sentent si seules avouent qu’elles ne conseilleraient pas à leurs filles d’épouser des hommes partis à l’aventure. « Si moi-même j’étais une jeune fille d’aujourd’hui, je n’allais pas épouser quelqu’un qui est à l’extérieur. Je vais épouser un homme qui est au pays, même si on va se débrouiller pour vivre », admet l’une d’elle.
Boureima Dembélé