Dans la commune de Kokologho, à 45 km de Ouagadougou, une association de femmes s’est lancée dans la transformation du karité, du néré et de l’arachide en produits locaux. Ces activités leur permettent de contribuer aux dépenses de leurs familles, de participer à l’assainissement de la ville, mais surtout de devenir indépendantes.
L’histoire commence en 2018, quand Odette Sanou, la quarantaine, une mère de deux enfants, décide de rassembler les femmes de son quartier à Kokologho pour leur proposer une idée. Elle veut alors les sortir de la précarité et leur offrir une autonomie financière. Odette leur parle ainsi de son projet : créer une association pour transformer des produits locaux et mener des activités génératrices de revenus.
La réponse est unanime : « oui ». Ainsi naît l’Association miracle wanéré des femmes de Kokologho, qui compte aujourd’hui près de 200 membres. « Nos membres sont répartis en trois groupes selon le produit que chaque équipe confectionne. Le premier groupe fabrique le beurre de karité, le deuxième prépare le soumbala et la pâte d’arachide », explique Odette Sanou, dont l’air réservé cache une boule d’énergie.
Créer de la richesse à partir de rien
Le chemin n’a pas été facile. Odette Sanou et ses « co-épouses », comme elles aiment s’appeler en signe de solidarité, font la preuve que l’on peut créer des richesses à partir de zéro franc CFA. Elles ont alors une idée originale : mener des campagnes de salubrité dans les services publics et privés. C’est ainsi qu’elles ont nettoyé des dispensaires, des écoles, la voie publique, le marché, la mairie, etc.
« Quand on sortait pour nos séances de nettoyage, les gens nous aidaient avec 1000 francs CFA, 2000 francs CFA. C’est grâce à ces contributions que nous avons acheté nos premières noix de karité pour confectionner le beurre de karité », raconte Odette Sanou/Ouédraogo. Grâce aux dons, elles ont pu acheter leurs premiers sacs de noix de karité. Deux sacs de 100 kg à environ 15 000 francs CFA le sac. C’est parti pour la production de beurre de karité avec les moyens du bord.
« Lorsque nous avons obtenu nos premières productions de beurre de karité, on ne savait pas à qui vendre. Par chance, il y a une dame qui a constaté que notre beurre était de qualité. Elle a tout acheté », poursuit-elle. Un miracle parce qu’elles étaient au bord du désespoir à un moment donné. Mais, l’association ne s’appelle-t-elle pas « miracle » ?
Les membres décident, cette fois, d’acheter des graines de néré pour fabriquer du soumbala, une sorte de condiments ou d’épice utilisée en cuisine. « Au départ, les femmes ne maîtrisaient pas la technique pour fabriquer le soumbala. Heureusement, les plus âgées avaient une expérience. Elles ont encadré les plus jeunes comme moi », témoigne Zenabou Zongo, mère de quatre enfants et chef d’équipe du soumbala.
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Le capital acquis grâce à la vente du soumbala est utilisé pour acheter des arachides. L’intention est d’en faire des pâtes pour la cuisine puis revendues. Les produits sont vendus principalement à Ouagadougou, où l’association a une cliente fidèle. Le soumbala est acheté par des hôteliers installés aux alentours de la commune.
Malgré ces débouchés, l’Association miracle wanéré des femmes de Kokologho fait face à plusieurs difficultés. « D’abord, nous n’avons pas le matériel pour travailler : les barils, les seaux, le moulin, les plats », déplore Odette Sanou. L’association n’a pas de siège non plus.
« Nous avons aussi besoin d’un local. La maisonnette que vous voyez, nous la louons à 5000 francs CFA par mois pour pouvoir stocker le matériel. Mais nous n’avons pas souvent les moyens de payer », ajoute-t-elle avec regret. Chaque section a son problème spécifique. « L’une des difficultés que nous rencontrons, c’est le manque de graines de néré », souligne Zénabou Zongo, la chef de l’équipe Soumbala.
Mariam Tassembédo, plus de la quarantaine, chef d’équipe du beurre de karité, pointe quant à elle, la volatilité du prix du beurre sur le marché. « Souvent, ça augmente mais parfois ça chute et quand c’est comme ça, ce n’est pas la joie », dit-elle.
Une combativité reconnue
Malgré ces obstacles, les femmes ne baissent pas les bras. « Depuis que nous avons commencé, nos maris sont satisfaits. Il y a moins de disputes. C’est d’ailleurs eux qui nous interpellent souvent pour qu’on aille au travail. Ils sont fiers de nous », affirme Mariam Tassembédo dans un éclat de rire et fière du chemin parcouru.
« Cette activité aide les femmes. Si je n’étais pas dans l’association, je serais perdue aujourd’hui. Car, comme on le dit, l’union fait la force. Nous nous entraidons et cela nous rend indépendantes », renchérit Ramata Rouamba. Elle assure. Depuis qu’elle est membre de l’association aucun de ses enfants n’a été renvoyé de l’école pour des frais de scolarité impayés. «Désormais, je me sens plus respectée et je contribue aussi aux besoins de la famille, c’est quelque chose qui me fait du bien», insiste Mariam. En effet, les bénéficies sont reparties entre les membres de l’association. Elles ont par-là, des sources de revenus.
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Des hommes de Kokologho saluent également la combativité de ces femmes. « Elles sont un exemple pour les femmes des autres villages. Et, à travers leur initiative de salubrité, ils ont rendu la ville plus propre. Elles ont montré que si dans un pays, les femmes et les hommes sont unis, ils peuvent réaliser de grandes choses », estime Alassane Sakandé, commerçant et partenaire de ce regroupement de femmes.
L’Association Wanéré des femmes de Kokologho ne compte pas s’arrêter là. Elle a d’autres idées comme élargir son champ d’activités en incluant le tissage et se doter d’un local. Les moyens manquent d’abord mais la volonté reste forte. Odette Sanou se dit animée par un sentiment de fierté. Elle estime qu’il y a encore d’autres montagnes à déplacer.
Boukari Ouédraogo