Quitter son pays, parcourir des centaines de km, subir toutes sortes de tracasseries, dormir à la belle étoile tous les jours pour faire paitre son bétail. C’est le parcours de centaine de bergers burkinabè qui chaque année, vont à la recherche de verts pâturage dans les pays voisins.
Le visage aminci, la voix à peine audible, Drissa Bandé retrouve le Burkina Faso après avoir passé 7 mois au Ghana avec son bétail. Une natte et des ustensiles de cuisine attachés à son vélo qu’il pousse, il suit avec d’autres jeunes bergers ses animaux à l’entrée de Tenkodogo, dans la région du centre-Est. Drissa est en provenance du Ghana. C’est un voyage pénible qu’il effectue chaque année, dit-il.
« C’est trop pénible parce qu’en entrant sur le territoire ghanéen, il faut payer, en s’installant il faut encore payer et le retour aussi, il faut payer. Les forces de l’ordre ghanéennes nous prennent 250 F CFA par tête de bœuf, et quand c’est un troupeau de taille importante, elles prennent carrément un veau », explique le jeune berger.
Des cas de meurtres
Soumaila Diao, 27 ans fait également la transhumance depuis deux ans. Il passe aussi sept mois de l’année en territoire ghanéen avec son cheptel. Les difficultés énumérées par Drissa ne lui sont pas aussi étrangères. « Là-bas au Ghana, un étranger reste un étranger. Il faut payer chaque fois pour faire paitre ses animaux(…) Nous vendons parfois des animaux pour faire face aux dépenses », maugrée-t-il.
Selon Saidou Barry, un ancien berger qui a maintenant passé le bâton à ses enfants, en plus des extorsions d’argent et des retraits des animaux, il y a des cas de tuerie de bergers. « Il y a moins d’un mois, un berger a même été tué. Récemment également, on a tiré sur l’enfant du Ruuga (chef des éleveurs) mais il n’est pas mort. C’est vraiment ce qui nous fatigue au Ghana », explique-il.
Plaidoyer de bergers
Les bergers regrettent le manque de zone de pâturage du Burkina. « Les pluies sont insuffisantes et nos terres sont pauvres. En plus de cela, au Burkina, toutes les zones sont devenues des zones agricoles. Pourtant, au Ghana, on peut parcourir 100 ou 200 kilomètres sans problème ». Lui et ses camardes plaident pour l’agrandissement et l’encadrement des zones de pâturage au Burkina, la subvention des aliments pour bétail, et la construction de barrage pour abreuver les animaux.
Pierre Bamogo, technicien supérieur d’élevage à Bittou, conseille aux éleveurs en transhumance de se munir de Certificats internationaux de transhumance (CIT) pour éviter les désagréments dans les pays d’accueil. « Pour un berger qui quitte Bittou pour le Togo ou le Ghana, il doit d’abord entrer en possession du CIT qui lui permet de mener la transhumance sans difficultés. Ça permet de se rassurer que ce ne sont pas des animaux volés. Ça donne des informations sur l’éleveur, l’effectif du bétail. Ça renseigne aussi sur la couverture vaccinale », explique le technicien.
Malgré ce précieux sésame, Drissa Bandé et Soumaïla Diao disent ne pas être à l’abri de tracasseries.