Ya’Débat a posé ses micros cette semaine dans les champs de coton de la province du Mouhoun, première région cotonnière du Burkina. Les cotonculteurs ont momentanément déserté les champs pour débattre des raisons de la baisse de production de cette culture de rente dont le Burkina était leader en Afrique.
Le jeune cotonculteur Nazinko Dakuyo, s’inquiète de l’indisponibilité des intrants en ce début de saison cotonnière. Président départemental des producteurs de coton de Dédougou, il tire sur la sonnette d’alarme : plus de la moitié des producteurs n’ont pas encore reçu d’intrants et cette situation va influer négativement sur les rendements. « Les intrants ne sont même pas encore arrivés à la SOFITEX (Ndlr. Société des fibres et textiles) », précise le jeune producteur.
Pourquoi ? Lance Martin Kaba, animateur du débat. « Je ne peux répondre à cette question », se contente-t-il. L’animateur précise alors que la SOFITEX, invitée au débat, n’a pas daigné répondre. La rareté et l’indisponibilité des intrants sont une des plaies de la culture du coton au Burkina. Issaka Ouédraogo ingénieur agronome à la retraite lui, ajoute un lot de facteurs.
Pour l’invité les problèmes ont commencé quand l’État a tourné dos au coton BT au profit du conventionnel. « Les rendements ont baissé (…) Beaucoup de producteurs sont restés endettés, le prix du coton a diminué», se rappelle l’invité. A cela, il ajoute le changement climatique et la rareté des pluies. Du coup, malgré la hausse du prix du coton, les producteurs ne manifestent plus d’engouement pour cette culture de rente.
De 100 à 10 tonnes
Kani Bicaba, producteur dans la commune de Ouarkoye, à une cinquantaine de km de Dédougou est d’accord. Il ajoute que les intrants sont chers et propose que l’État les subventionne. Par exemple, le sac de NPK (engrais) est à 14000 F CFA et c’est cher. De 100 tonnes en 2005, il confie avec amertume que sa production a chuté maintenant à 10 tonnes.
Issaka Ouédraogo reconnaît que le prix élevé des intrants a effectivement créé une désaffection des producteurs. Ces derniers se sont tournés progressivement vers la culture des céréales. Par contre, il répond à Kani Bicaba. « L’engrais est déjà subventionné par l’État, sinon son prix réel est d’environ 20 000 F CFA. Le prix des engrais n’est pas lié au gouvernement, mais plutôt à la fluctuation du prix des hydrocarbures », explique-t-il. En lieu et place, il conseille aux producteurs d’envisager une gestion intégrée des sols, notamment avec l’utilisation de la fumure organique pour la fertilisation des sols.
Explorer d’autres niches
Attentifs, les jeunes ont participé au débat en posant des questions. L’animateur du débat fait justement le constat que les jeunes se désintéressent progressivement de la culture du coton. Un constat réel, reconnaît Nazinko Dakuyo. Il rappelle que quand le coton BT était cultivé, beaucoup de jeunes s’investissaient, il y avait moins de problèmes et c’était rentable, dit-il. Pour relancer le secteur, il propose la sensibilisation, des formations.
Pour Kani Bicaba par contre l’État doit alléger les charges liées à la culture du coton, réduire davantage le prix des intrants. L’ingénieur agricole à la retraite Issaka Ouédraogo lui souhaite que les jeunes explorent d’autres niches, d’autres variétés moins contraignantes et plus rentables : le maïs, le sésame, le niébé.