Le 21 août 2023 à Budapest en Hongrie, le Burkinabè Hugues Fabrice Zango marquait encore plus l’histoire avec son titre de champion du monde de triple saut avec une performance de 17,64m. Zoom sur un jeune qui a découvert le triple saut par hasard et a fini par conquérir le monde.
Jour de la finale du concours du championnat du monde de triple saut dans le centre national d’athlétisme de Budapest (Hongrie), un stade de 40 mille places. Les yeux sont rivés sur la piste d’athlétisme. Les sauteurs se succèdent. À partir du 4e saut, les Cubains Lazaro Martinez (17,41 m) et Cristian Napoles (17,40 m), et le Chinois Zy Yaming prennent les commandes.
Hugues Fabrice Zango est en quatrième position après avoir pourtant pris un bon départ. Il reste deux essais au Burkinabè pour renverser la situation. Concentration maximale. Course, cloche-pied, foulée bondissante, il atterrit tel un aigle dans le sable. 17,64 m ! Fabrice Zango vient de réaliser le meilleur saut de la compétition. Il prend la tête du classement.
L’athlète burkinabè explose de joie et pointe un doigt sur sa tête. Une manière de dire que tout se joue dans le mental. Il vient de faire taire les doutes. « Avec 17,64 m, je savais que le game était plié », assure-t-il. Dans les tribunes, ses parents exultent de joie et applaudissent leur fils qui vient d’écrire encore une nouvelle page de l’histoire de l’athlétisme burkinabè et africain.
Naissance d’une légende
« J’ai promis d’écrire l’histoire et je l’ai fait ce soir. C’est la première médaille d’or au triple saut masculin non seulement pour mon pays, mais aussi pour l’Afrique. Je ne peux pas imaginer le niveau de célébration dans mon pays quand je rentre chez moi [Burkina Faso] mais je vais commencer les célébrations à Budapest », lance-t-il tout juste après son sacre.
Tout commence par un soir de compétition scolaire, où il se fait remarquer par Christian Sanou, son premier encadreur, qui voit en lui un potentiel énorme : vitesse, détente, coordination. Il lui propose de s’entraîner avec lui et de participer à des championnats nationaux. « Il m’a demandé quels étaient les avantages de pratiquer le triple saut, je lui avais dit qu’il aurait la possibilité de voyager », se souvient Sanou. Fabrice accepte, séduit par l’idée de découvrir le monde. Il n’a rien à perdre.
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En 2015, il fait ses premiers pas sur la scène internationale aux Jeux de la francophonie à Nice, où il termine dixième. Mais l’année suivante, le jeune athlète décroche sa première médaille d’argent aux Universiades, championnat du monde universitaire, à Gwandju, en Corée du Sud.
Puis, il remporte sa première médaille d’or aux Jeux de la francophonie en 2017 à Abidjan tout en brisant le record de la compétition (16,92m). Ensuite, il devient champion d’Afrique en 2018, titre qu’il conserve depuis, médaillé de bronze aux championnats du monde en 2019, et surtout, médaillé de bronze aux Jeux olympiques de Tokyo en 2021.
Grâce a sa performance, le Burkina Faso récolte sa première médaille olympique de son histoire. Ces résultats sont favorisés par son arrivée à l’Université d’Artois en France grâce aux soutiens de ses parents. Là, il y trouve des infrastructures adéquates qui lui permettent de s’entraîner.
La collaboration avec Teddy Tamgbo
Avec le Français Teddy Tamgbo, ancien champion du monde de triple saut en 2013 à ses côtés, Zango peut rêver grand. Ce dernier l’aide à améliorer sa technique de saut. Entre études et entraînements de plus en plus exigeants, il démontre que l’on peut allier sport de haut niveau et études. Après la médaille de bronze en 2019, le natif de Ouagadougou veut surprendre en remportant l’or aux championnats du monde d’Eugène (États-Unis).
Nouvel échec. Il se contente d’une médaille d’argent derrière le Portugais Pedro Pichardo (19,95 m), médaillé d’or olympique en titre (17,96 m). En visite chez le Mogho Naba Baongho, il fait une promesse : « prochainement, il nous faut ramener la plus belle des médailles, c’est-à-dire l’or ». La promesse est tenue depuis le 21 août 2023.
Pourtant, pas grand-chose ne prédestinait Hugues Fabrice Zango à devenir champion du monde. Ce n’est qu’à ses 17 ans qu’il découvre le triple saut lors d’une compétition scolaire. Contrairement aux autres concurrents de son âge, il n’a pas les fondamentaux.
En effet, le Burkina Faso cherchait une relève après les retraites d’athlètes comme Olivier Sanou, champion d’Afrique au triple saut en 2002 et 2004, et le sprinteur Idrissa Sanou, troisième aux championnats d’Afrique de Radès et vainqueur des Jeux de la francophonie en 2005 et 2009.
Un modèle pour les jeunes
Le parcours de Hugues Fabrice Zango n’est pas le fruit du hasard, affirme Missiri Théophile Sawadogo, directeur technique de la Fédération burkinabè d’athlétisme. « En réalité, c’est un programme que nous avions mis en place il y a une dizaine d’années. Le président de la Fédération burkinabè Francis Sidibé nous avait demandé de mettre en place un programme qui permettrait au Burkina Faso de produire un athlète de niveau mondial. C’est ce que nous avons fait avec Fabrice, Marthe Koala et Bienvenu Sawadogo », explique le technicien.
Hugues Fabrice Zango continue de poursuivre son rêve : remporter la médaille d’or olympique aux Jeux de Paris en 2024. En attendant, il est une source d’inspiration pour les jeunes de son pays malgré l’absence d’infrastructures et de centres de formation.
Boukari Ouédraogo