Une fois de plus, un deuil national est décrété au Burkina, au lendemain de la mort d’au moins 80 militaires et civils dans une attaque terroriste. Des jeunes de la capitale regrettent que ces deuils n’émeuvent plus personne à cause de leur recrudescence, alors que la situation ne change pas.
Assis dans un kiosque à café, Frank Ouédraogo a le nez plongé dans son téléphone. Il lève souvent le visage pour placer un mot dans le débat qu’il anime avec ses camarades. Frank dit être en colère quand hier soir, il a appris encore le lourd bilan à l’issue d’une attaque terroriste. « On est fatigués », soupire le jeune étudiant en vacances.
« Si elles (Ndlr. les autorités) ne changent pas de système, nous allons toujours vivre des deuils. A chaque attaque son deuil. Ça nous dérange, ça devient encombrant », répète-t-il. Nader Kouraogo lui dit comprendre le deuil national. Autant de fois que cela sera nécessaire, il faudra décréter le deuil national, défend-t-il. Pour appuyer son argument, il soutient que c’est en défendant le pays que certains ont été tués.
« C’est normal, ce sont des êtres humains qui sont décédés. Le deuil est d’abord personnel, et national parce que ce sont des Burkinabè qui sont morts en défendant le pays », poursuit Nader.
Un deuil banalisé
Par contre, chacun a sa façon de vivre son deuil, selon lui. « Je vis le deuil à ma manière comme je peux. Je ne peux vivre le deuil comme un ministre. Quelqu’un qui mange au jour le jour, s’il ne travaille pas aujourd’hui, il ne mangera pas aujourd’hui », note-t-il. Enseignant vacataire en anglais, le jeune Arouna Zongo fait aussi le constat que le deuil devient banal.
« Pour moi quand on parle de deuil national, c’est pour que les populations sachent que quelque chose ne va pas dans le pays ». Pourtant, il dit remarquer que malgré le deuil de 72h, les bars et autres maquis drainent du monde. « Dans les débits de boisson, les fêtes continuent (…) Au lieu de se livrer à toutes les réjouissances, pourquoi ne pas fermer, le temps d’une journée ? Ça va tiquer les gens », suppose le jeune enseignant.
Pour Nader, la plupart des Burkinabè ne respectent pas le deuil à cause de l’ignorance. Arouna partage son point de vue. Il propose ainsi à l’autorité de faire en sorte « qu’à Ouagadougou et un peu partout, les Burkinabè sachent réellement qu’il y a deuil national ».
Solidarité dans la douleur
C’est surtout sur les réseaux sociaux que Arouna dit exprimer son deuil. « Généralement c’est à travers les réseaux sociaux qu’on envoie des messages d’encouragement aux militaires qui sont sur le terrain. Nous leur disons de résister face à la l’adversité. A travers les statuts sur WhatsApp, on essaie de les galvaniser, même si on ne peut pas prendre les armes et les aider », poursuit le professeur d’anglais.
Par-dessus tout, il estime qu’il faut éviter que cela n’entre dans les habitudes des burkinabè. « C’est devenu comme quelque chose de normal. Quand on fait une ou deux semaines sans attaque au Burkina, c’est cela qui était devenu anormal », constate-t-il.
Une patrouille mixte de l’armée a été la cible d’une attaque terroriste sur l’axe Arbinda-Gorgadji, le 18 août 2021. Le bilan fait état de 80 morts dont 65 civils, 15 soldats (gendarmes) et 3 volontaires pour la défense de la patrie. Le gouvernement a aussi informé que 58 terroristes ont été abattus. Le président du Faso a décrété un deuil national de 72h à compter du jeudi 19 août à 00h00.