Chez les lobi – une ethnie du Sud-Ouest burkinabè-, les enfants portaient le nom de famille de leur mère. Une société matriarcale dans laquelle la femme occupe un place centrale. Mais les mariages interethniques et les exigences administratives ont de plus en plus raison de cette tradition séculaire.
La dernière fille du Pasteur Pierre Hien est la seule à porter le patronyme-Hien. Les sept autres enfants de la famille portent celui de leur mère-Somé. Une tradition chez les lobi. Signe du rôle primordial de la femme dans cette société matriarcale dans laquelle les enfants portent généralement le nom de famille de leur mère. Assis au milieu de sa cour au secteur 2 de Gaoua ce samedi 14 août 2021, le pasteur discute avec son épouse qui trie des grains de céréales. « C’est elle qui fait tout dans la famille. Mais elle connait bien sa place et son rôle », rappelle le chef de famille. Dans sa communauté, poursuit-il, quand on marie une femme c’est comme si elle avait été prêtée. « L’ancien temps était très intéressant. Quand je fais la comparaison avec de nos jours, je vois que nous risquons de perdre beaucoup de nos valeurs traditionnelles », regrette Henriette Somé épouse du pasteur Hien.
Ce droit maternel, les lobi tiennent à le conserver malgré la modernité et le métissage des cultures. « Seule la femme connait l’identité de l’auteur de sa grossesse. C’est uniquement le prénom que le mari donne à l’enfant. Jusqu’à présent c’est le matriarcat chez nous au lieu du patriarcat. Cela existe toujours dans la société traditionnelle lobi », enseigne l’ancien militaire à la retraite.
L’administratif, l’autre réalité à laquelle les lobi doivent faire face. Obtenir certains documents administratifs relève souvent du parcours du combattant pour les personnes dont le nom de famille se transmet de la mère à l’enfant. Les enfants de Sié Da, acteur culturel, portent par exemple le nom de famille de leur père. « Pour des questions administratives il n’est pas conseillé de laisser ses enfants prendre le nom de leur mère. Mieux si on marie à un Ouédraogo ou un Traoré, l’enfant prendra naturellement le nom de son père », laisse-t-il entendre.
Nouvelle génération, nouvelle conception
Da Noyiré, militaire à la retraite se vante de l’égalité des sexes dans la société lobi. « Chez nous les femmes sont considérées comme des hommes. Nous ne faisons pas de différences quoi que, chacun sait reconnaître sa place et son rôle » explique l’adjudant-chef. Des femmes qui enterrent des morts, qui détiennent des fétiches, qui font des consultations mystiques…autant d’exemples qui placent la femme lobi sur un piédestal dans sa société.
« Je ne sais vraiment pas grand-chose de cette société égalitaire dans la communauté lobi. Je suis certes lobi, mais mes parents ne m’ont jamais parlé de ça » relève Mariam Da. Selon elle, c’est certainement sa religion musulmane qui a constitué un frein pour l’appropriation de sa tradition lobi. « Mes parents me parlent plus de l’islam que des traditions », dit-elle.
Pas égalité mais plutôt complémentarité, selon Sié Da. Pour cet organisateur d’évènements culturelles à Gaoua :« le modernisme a tellement pris le dessus qu’il faut savoir faire la part des choses. Les femmes sont certes libres et indépendantes chez les lobi, mais elles connaissent leurs limites ».