La canne blanche est un outil qui permet aux handicapés visuels de se déplacer et se repérer. Mais au Burkina Faso, cet outil qui symbolise leur autonomie et leur sécurité est généralement ignoré par les usagers de la route. Cela complique le déplacement de ces personnes non voyantes et malvoyantes qui devraient pourtant bénéficier de la collaboration des autres usagers.
Presque 12h00 au quartier Gounghin de Ouagadougou. Sur la route poussiéreuse avec des crevasses, un jeune homme avance avec assurance, malgré son handicap visuel. Il tient dans sa main droite une canne fine de couleur blanche, qu’il fait balancer de gauche à droite. La manière pour lui de se repérer. Le jeune homme est Ramadan Soungalo Traoré, élève en classe de terminale. Ramadan utilise la canne blanche pour s’orienter et se déplacer dans la ville et surtout pour se rendre à l’école.
Lire aussi: Le parcours scolaire inspirant de Wendyam Zoundi, 14 ans, handicapée visuelle
« J’utilise la canne blanche qui me permet de savoir où se trouvent les obstacles qui sont devant moi, que ce soit des trous, des véhicules, des motos, une porte… Cela me permet de me guider pour savoir si j’ai des escaliers devant moi. Ça me permet de me déplacer », explique le jeune garçon.
Ramadan Soungalo Traoré est né malvoyant à cause d’une cataracte congénitale. Il perd complètement la vue entre sa classe de 6e et 5e. « Les médecins m’avaient prévenu que j’allais perdre progressivement la vue », se souvient le jeune homme. Malgré tout, il n’abandonne pas sa volonté de poursuivre ses études grâce à l’apprentissage du braille.
Un symbole non respecté
L’instrument qu’il utilise pour se déplacer, c’est la canne blanche. C’est un outil jugé pratique par les personnes malvoyantes et non voyantes. La canne blanche leur permet de détecter les obstacles et les dangers sur leur chemin. Elle leur permet également de traverser les routes en toute sécurité en signalant aux conducteurs qu’ils doivent ralentir ou s’arrêter pour les laisser passer.
Cependant, à Ouagadougou et au Burkina Faso, le symbole de la canne blanche n’est pas bien connu ni respecté. « Vraiment, les gens ne prêtent pas attention à la canne blanche. Quand tu veux traverser la route, tu peux souvent passer 20 ou 30 minutes au bord de la voie pour savoir s’il n’y pas un véhicule qui passe pour traverser », regrette-t-il. Le ton utilisé indique qu’il a fini par s’y habituer.
Lire aussi: Bikienga Abdoul Fathave, l’aveugle qui vend des crédits de communication
Son camarade, Lanta Watil, handicapé visuel depuis la naissance éprouve les mêmes difficultés. « Je mentirai si je dis qu’il y a une priorité qui est accordée à ceux qui tiennent la canne blanche en circulation », dit-il sur une pointe de déception. Alors, cet handicapé visuel qui rêve de devenir musicien évite de prendre certains risques.
La canne blanche est plus qu’un simple outil de déplacement selon Christophe Oulé, président de l’Union nationale des associations burkinabè des personnes aveugles et malvoyants (UN-ABPAM), la soixantaine. C’est un symbole d’autonomie, assure-t-il : « C’est la liberté parce qu’à cause de notre handicap, on est obligés de faire appel à des tierces personnes pour pouvoir nous déplacer. Donc, notre déplacement dépend de la disponibilité d’autres personnes. Mais une fois dotés de la canne, on peut se déplacer en relative sécurité ».
Un objet considéré comme un luxe
L’utilisation de la canne blanche devrait faciliter la collaboration des autres usagers. « La canne blanche permet à la personne qui marche de détecter les voies, les obstacles et de les contourner. Mais, il faut que les usagers de la route aident ces personnes aussi à contourner les obstacles », implore Christophe Oulé. Ce n’est pas le cas du fait de l’ignorance.
Pourtant, fait-il remarquer, bien qu’inscrit dans le Code de la route, il n’est pas enseigné ou est généralement survolé. Cette attitude renforce l’ignorance autour du symbole de la canne blanche. « Le grand public ne connait pas la canne blanche et se demande souvent ce que nous faisons au milieu de la route avec ce bâton », dit-il. « Certains nous prennent pour des mendiants », précise à son tour Wantil.
Lire aussi: Gestion des menstrues, un casse-tête pour les personnes vivant avec un handicap visuel
De plus, l’accessibilité de la canne blanche est un autre défi que doivent surmonter les personnes handicapées visuelles. Son prix varie entre 15 mille et 50 mille francs CFA en fonction de la qualité. L’outil ne se fabrique pas sur place au Burkina Faso. Il faut donc l’importer. « On ne peut pas l’acheter quand on veut, où on veut. Mais on peut le faire venir. (…) Notre problème, ce sont les moyens pour les acheter et le rendre disponible pour les handicapés visuels quand on sait que ces personnes comme toutes les personnes handicapées au Burkina Faso sont caractérisées par l’extrême pauvreté », regrette encore Oulé.
Entre acquérir une canne blanche et scolariser les enfants aveugles, le choix est vite fait, fait-il remarquer. « Certains pensent même que c’est un luxe », poursuit le président de l’UN-ABPAM. C’est pourquoi, selon Christophe Oulé, à l’occasion de la Journée internationale de la canne blanche célébrée le 15 octobre de chaque mois, l’UN-ABPAM en profite pour sensibiliser la population et interpeller les autorités afin de favoriser l’inclusion entre les personnes vivant avec un handicap et ceux dits valides.
Boukari Ouédraogo