Comme des châteaux de cartes, des bâtiments publics s’écroulent au Burkina. Des milliards engloutis sous des décombres, des vies arrachées et la psychose qui s’installe. Au-delà de la consternation à chaque drame, Studio Yafa pose le débat et convoque des acteurs. Corruption, manque de suivi, sous-traitance, impunité sont les maux brandis par les invités du débat de ce vendredi 10 septembre. Pour eux, il faut une refonte du système des marchés publics.
Lamine Koné, un citoyen dit avoir peur à chaque fois qu’il est dans un bâtiment public. Pour cet activiste engagé sur plusieurs questions dont celles du logement et de l’urbanisme, « il y a matière à avoir peur. On ne sait plus à quel moment ça peut s’effondrer». Avec l’effondrement d’une dalle sur un chantier de l’université Norbert Zongo de Koudougou, ayant fait 4 morts dont trois jeunes étudiants, la psychose est encore justifiée, précise l’invité.
Une peur légitime consent Abdoul Karim Ouédraogo, membre du collectif des syndicats des bâtiments et travaux publics du Burkina. Pour lui également, les bâtiments « ne sont pas sûrs. Il y a beaucoup d’immeubles mal faits ». Il regrette par ailleurs que ce soit les travailleurs qui subissent les conséquences. « Je suis très inquiet », soupire-t-il.
Le pouvoir public représenté par Moumouni Ilboudo, directeur général de l’entretien routier, représentant le ministère des infrastructures et du désenclavement ne dit pas le contraire. Selon lui, il faut continuer à travailler et à être rigoureux pour éviter ces drames à répétition.
Une coresponsabilité
En tant que technicien, Moumouni Ilboudo note que les raisons de ces écroulements sont multiples. Tentez-vous de les justifier ? Lui lance l’animateur du débat Souleymane Koanda. Non, je ne justifie pas, je donne un avis en tant que technicien, rétorque l’invité. « Il y a le maitre d’œuvre qui a fait la conception, il y a l’entreprise et il y a la mission de contrôle qui souvent s’attache les services d’un laboratoire », poursuit Moumouni.
Quand il y a drame, l’on incrimine directement l’entreprise, regrette le représentant du ministère des infrastructures et du désenclavement. Pourtant, poursuit Moumouni Ilboudo, c’est le travail d’une chaîne et il faut situer les responsabilités et sévir contre ceux qui ont fauté.
Oui pour la coresponsabilité, mais pour Lamine Koné, il faut carrément une refonte du système des marchés publics. « Actuellement, c’est une question de moins disant », regrette l’activiste qui propose que l’on privilégie plutôt les aspects techniques. « Il faut que l’Etat organise l’intervention des acteurs. Il faut repenser la politique des marchés publics. Il faut que le caractère technique prenne le dessus, revoir la formation des acteurs sur toute la chaîne », plaide-t-il.
Mettre fin à l’impunité
Abdoul Karim Ouédraogo, membre du collectif des syndicats des bâtiments et travaux publics du Burkina est rouge de colère. Il estime que certaines entreprises ne devraient plus être bénéficiaires de marché public. Il dit ne pas comprendre que l’entreprise qui n’a pas encore soldé ses déboires dans des travaux publics à Tenkodogo, bénéficie encore d’un marché à Koudougou où il y a finalement mort d’homme.
« C’est regrettable, ce n’est pas la première fois qu’un immeuble s’écroule, qu’il y a mort d’homme, mais je n’ai pas encore vu quelqu’un qu’on a condamné pour une mauvaise exécution d’un ouvrage qui a occasionné mort », note l’invité. Abdoul Karim, le syndicaliste s’offusque des cas de corruption depuis l’obtention des marchés jusqu’à l’exécution des travaux.
« C’est parce qu’il y a une corruption qui gangrène le système que ça ne marche pas (…) On va détruire le Burkina si on continue à faire cette corruption », enrage-t-il.
L’intégralité du débat sera diffusée ce 11 septembre 2021 à partir de 9 heures dans l’émission Le Grand Rendez, à Ouaga sur Radio Légende 94.4 fm et les autres stations partenaires.