Dissin. Petite bourgade de la province des Ioba, région du Sud-Ouest du Burkina Faso. La commune est le point de ralliement des ressortissants chaque année à l’occasion de la fête de l’assomption. Mais ce n’est pas le religieux qui attire les milliers de voyageurs. Les Dagara des grandes villes y ramènent leurs enfants pour un voyage initiatique à la culture locale.
Le jour se lève sur la capitale Ouagadougou. A Bendgo, Serge Poda règle les derniers aspects d’un long voyage. Dans quelques instants, il prendra la route avec toute sa famille. Direction : son village, Dissin, à plus de 300 km de là. La tradition sera encore respectée cette année.
« On va profiter des vacances, deux trois, jours avec grand-maman, les frères et sœurs qui nous ont devancés. On est impatient. Chaque année c’est ainsi, sauf l’année dernière où on n’a pas pu à cause de la Covid et du dernier qu’on venait d’avoir. C’est une tradition. Quand on n’est pas là-bas, on a l’impression que notre âme est ailleurs », explique Serge.
La tradition dont Serge parle, c’est le 15 août, fête de l’assomption. Mais ce qui le fait courir comme bon nombre de ressortissants de Dissin, c’est moins la montée de la vierge Marie au ciel, que les occasions de se retrouver et de festoyer. Mais derrière tout cela, le jeune chef de famille veut reconnecter ses enfants à leur culture. Un aspect très important selon lui.
Voyage initiatique
« Pour transmettre quelque chose à quelqu’un, il faut qu’il touche la réalité de visu. Il peut ne pas comprendre toute la quintessence qu’il y a dans cette culture, mais en étant témoin, acteur de cette culture, il voit comment ça se passe, comment les gens se parlent, se comportent. Ça le motive à être plus proche de cette culture, à l’adopter facilement », raconte Serge.
Avant l’embarquement, la cadette, Jade est toute enthousiaste. Petite boule d’énergie, elle ne tient plus tranquille. « Je vais voir grand maman », dit-elle, timidement au micro. Que vas-tu donner à grand maman ? lui lance notre confrère. « Rien », rétorque-t-elle. Pour son père, il n’est pas questions de laisser ses enfants être éduqués par la télévision et d’autres réalités culturelles des grandes villes. En plus de ce qu’il leur donne comme éducation, il perçoit ce voyage comme un rite initiatique.
« Nos enfants sont plus éduqués par les télévisions, les dessins animés venus d’ailleurs. Mais là-bas, il n’y a pas cela. C’est fait sciemment pour qu’ils parlent dagara, causer avec des enfants de leurs âges qui ont une autre vision des choses. C’est un melting-pot qui va se faire. Avec leur grande maman, c’est dagara qu’ils parlent. C’est aussi une sorte de bain linguistique et un bain dans leur culture », affirme Serge.
Loin des tintamarres des grandes villes
Le véhicule pousse ses premiers vrombissements et la locomotive se met en route. Plus de 8h de route, marquées de multiples arrêts. Arrivé deux jours avant l’événement tant attendu, Serge a un programme bien chargé : saluer les funérailles, participer aux activités socioculturelles.
Cela fait deux ans que Serge n’avait plus fait ce voyage. Cette année, la joie de retrouver les siens est encore plus grande. «Serge et moi on s’est vus lors de son mariage à Ouaga en 2014. Moi je suis à 17 km de Dissin. Comme je savais qu’ils allaient venir, je me suis dit que j’aillais venir faire la fête et profiter le revoir avec sa famille », lance Judith Somda, sa tante.
Il est plus facile de se voir à Dissin qu’à Ouagadougou, consent Serge. En quelques jours, il dit avoir revu des connaissances qu’il avait perdues de vue depuis près d’une décennie. Ils sont pourtant ensemble à Ouagadougou.