Les élèves et les étudiants sont de plus en plus attirés par l’intelligence artificielle. Certains l’utilisent comme source d’inspiration ou encore pour les devoirs. Les enseignants, quant à eux sont inquiets car selon eux, les élèves ne mesurent pas les dangers de ces nouveaux outils qui risquent de les rendre moins performants.
Au Lycée Newton Descartes de Ouagadougou, les cours viennent de se terminer. Rachid est élève en classe de terminale et descend les escaliers après l’appel de la sirène. Dans sa main droite, un téléphone Android sur lequel il a installé une application d’intelligence artificielle. En élève curieux, Rachid avoue avoir utilisé une IA pour des exercices à la maison et ses travaux personnels.
La dernière fois qu’il a utilisé une IA, c’était pour traiter une dissertation. « J’ai utilisé les idées essentielles pour traiter la dissertation. Sinon, un excellent correcteur sait reconnaître quand un élève utilise l’IA », assure le jeune garçon, âgé d’une vingtaine d’années. Il ne voit aucun problème à recourir à une intelligence artificielle. Pour lui, l’IA est une source d’inspiration.
La résistance des enseignants
Les enseignants sont plutôt sceptiques. Dame Bazié enseignante en Sciences de la vie et de la terre (SVT) dans le même établissement est plutôt inquiète. Elle estime que l’utilisation de l’IA n’est pas bénéfique pour les élèves. « L’utilisation de l’intelligence artificielle fait que les élèves ne réfléchissent pas par eux-mêmes. Ils vont sortir des textes qui ne viennent pas d’eux. Quand c’est comme ça, ce ne sont pas nos élèves qu’on évalue mais d’autres choses », déplore l’enseignante.
Dame Bazié craint que l’IA ne détruise le futur de la société. « On va avoir des cadres qui ne peuvent pas faire leur discours. Ils seront obligés d’y recourir à chaque fois », prédit-elle. Selon les enseignants, certains élèves peuvent tromper leur vigilance avec l’IA. Mais à l’examen, ces élèves seront vite rattrapés par la réalité. « A l’examen, on sera surpris de voir de brillants élèves qui échouent alors que c’était de grands tricheurs», prévient-elle.
Quand on évoque le sujet de l’utilisation de l’IA par les élèves pour traiter les devoirs, Claude Yaméogo, conseiller principal d’éducation au Lycée Newton Descartes, s’irrite. « Ce n’est pas bon. Dans dix ans, personne ne voudra fournir le moindre effort. On ne va plus lire, on ne va plus chercher puisque tout ce qu’on cherche, on le trouve déjà », s’offusque-t-il. Il constate déjà que les élèves ont perdu le goût de la lecture.
L’IA, un assistant
Des étudiants également ont recours à ces plateformes. Gaston Sawadogo est étudiant en communication à l’Université Joseph Ki Zerbo de Ouagadougou et passionné de slam. Il maîtrise les outils d’intelligence artificielle. « C’est comme un sage à qui on peut poser des questions. S’il y a une question qu’elle ne connaît pas, elle vous le dit », détaille-t-il.
Toutefois, Gaston met en garde contre l’utilisation abusive de l’IA. De son expérience, cet outil rend paresseux. Ce qui pourrait donner raison aux enseignants. « Il ne faut pas l’utiliser pour faire des travaux à votre place », prévient-il. Justement, sa camarade de classe en a fait les frais. Grâce à son professeur d’infographie, elle découvre l’IA. Alors, lors d’un devoir à la maison elle décide de l’utiliser pour gagner du temps. « J’ai tapé la question et j’ai copié-collé la réponse. Et je vous assure que tout ce que j’avais fait était faux. Depuis lors, mon expérience avec ChatGPT, c’est fini », raconte-t-elle en riant.
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Dian Diallo est expert et formateur digital et en intelligence artificielle. Ses yeux s’éclairent et il devient loquace quand on évoque avec lui, le sujet d’intelligence artificielle. Diallo a une vision très optimiste de l’IA pour le système éducatif au Burkina Faso. Il la considère comme un atout pour les élèves et les étudiants. À une condition : qu’ils sachent comment l’utiliser correctement. « On doit même pousser les étudiants à l’utiliser pour gagner du temps, pour comprendre davantage, pour poser des questions », suggère Dian Diallo.
Quant aux enseignants, il estime qu’ils doivent prendre en compte l’arrivée de l’IA pour changer la façon de poser des questions, de donner des devoirs et d’évaluer les compétences.
Boukari Ouédraogo