A Ouaga sur les trace de Sankara 2/4. Au terme d’une réunion le 15 octobre 1987, le leader burkinabè a été assassiné avec douze de ses compagnons.
Comme un symbole. Face à l’entrée du bâtiment Burkina, situé à l’intérieur du Conseil de l’entente de Ouagadougou, une gerbe de fleurs a été déposée à côté de son immense portrait. C’est à cet endroit précis que Thomas Sankara est tombé sous les balles d’un commando, le 15 octobre 1987. Le président révolutionnaire avait alors 37 ans.
Derrière la statue de bronze du Mémorial, l’herbe sèche a aujourd’hui envahi les environs. Mais l’esprit de l’ancien président plane toujours sur ce lieu. « Lorsque les visiteurs arrivent ici, certains coulent des larmes, raconte Zabda Karim, étudiant en droit et guide bénévole sur le site. La première fois que j’ai mis pied ici, j’ai ressenti un profond regret. » Les visites se limitent au pied du bâtiment. L’accès à l’intérieur étant interdit, les visiteurs du jour ne cachent pas leur frustration.
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Que s’est-il réellement passé le 15 octobre 1987 ? Le mystère persiste car plusieurs versions s’affrontent. « Vers 16 h 30, j’ai entendu les coups de feu et j’ai fait demi-tour, a raconté Gilbert Diendéré le 10 novembre lors du procès qui se tient actuellement à Ouagadougou pour tenter d’élucider les circonstances de la mort de Thomas Sankara, devenu une source d’inspiration pour toute la jeunesse africaine. Je me suis déporté vers la permanence de la villa Togo. J’ai ensuite vu Napié N’Soni et Otis Ouedraogo [deux éléments de la garde rapprochée de Blaise Compaoré, qui a succédé à Sankara après sa mort] sous un manguier. Ils ont dit que Thomas Sankara voulait arrêter Blaise Compaoré et qu’ils ont décidé de prendre les devants pour protéger leur chef. J’ai demandé “Où est Blaise ? S’il est au courant”, et il m’a répondu qu’il s’en fout. »
Blaise Compaoré, ancien ami de Sankara et cofondateur de la révolution, est-il le commanditaire ? « C’est chez Blaise Compaoré que Hyacinthe Kafando qui nous commandait en tant que chef de la sécurité m’a demandé de démarrer un véhicule pour nous rendre au Conseil de l’entente. Arrivé sur place, Kafando et Maiga, qui conduisait le véhicule de Blaise, sont descendus et ont tiré en désordre », a raconté à la barre du tribunal militaire Elise Ilboudo Yamba, un ancien soldat, le 26 octobre.
« Les mains en l’air »
A l’intérieur, Thomas Sankara et ses compagnons étaient sur le point d’entamer une réunion. Ils ont été alertés par les tirs. « Les assaillants criaient « sortez ! Sortez »… », explique le guide. Le capitaine Thomas Sankara a dit à ces compagnons de rester dans la salle, car c’est lui qu’on voulait : « Il est sorti les mains en l’air » .
Zabda Karim se fie au témoignage d’Alouna Traoré, le seul survivant du massacre du 15 octobre 1987. « Je suis allé me coucher parmi ceux qui avaient été déjà abattu et me cacher sous les corps », lui a expliqué Alouna Traoré. Mais il a été repéré. Alouna Traoré a alors été conduit dans une salle où se trouvaient d’autres membres du CNR. Il est rentré chez lui le lendemain. Traumatisé, mais la vie sauve.
Trente-quatre ans après l’assassinat de Thomas Sankara et de ses douze compagnons, un procès s’est donc ouvert au tribunal militaire de Ouagadougou. Sur le banc des accusés quatorze militaires dont deux en exil : Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando. Le peuple Burkinabè a soif de justice et veut percer le mystère enfermé dans les murs du Conseil de l’entente, derrière un bouquet de fleurs.
Danielle Coulibaly