A Ouagadougou la vie continue mais la tension monte (4/5). Rencontre avec des réfugiés maliens.
« Vivre mieux », « trouver un meilleur avenir »… La crise sécuritaire au nord et au centre du Mali a favorisé la migration des habitants de ces localités dans des pays de la sous-région : 65% des déplacés du Mali sont au Burkina Faso, selon un tableau de bord de la « Matrice de suivi des déplacés » datant de mai.
Abdoul Fata est à Ouagadougou depuis 2012 avec ses deux épouses et ses quatre enfants. Il gagne sa vie dans la maroquinerie. Après avoir quitté l’insécurité de Kidal pour « une vie tranquille à Ouaga», il salue l’accueille des populations et des autorités du Burkina ayant facilité son intégration et celle de sa famille. C’est la même la lecture que fait Aboubacar Cissé, arrivé à Ouagadougou en 2013. « On gagne un peu ici et on se débrouille, dit-il avec un sourire aux lèvres. Mais l’argent que nous gagnons n’est pas suffisant pour prendre en charge notre famille ». À ces difficultés s’ajoute la menace qui progresse au Burkina. C’est dans ce contexte que des jeunes ont manifesté mardi 16 novembre pour exprimer leur colère face à la multiplication des attaques dans le nord du pays qui ont fait 53 morts samedi 14 novembre.
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Des déplacés maliens se disent inquiets de la situation. « Les problèmes que nous avons fuis nous poursuivent-ils ? », s’interrogent certains. Face à cette avance de la menace terroriste, une partie des déplacés souhaite retourner au Mali. « Mais quand on pense aux conditions dans lesquelles vivent nos frères, cela nous démotive », raconte un des réfugiés. D’autres sollicitent l’appui des autorités pour rejoindre leur famille.
À la peur de la multiplication des attaques s’ajoute l’angoisse de ne pas pouvoir faire la navette entre le Burkina et le Mali. C’est ce que regrette Younoussa Haya. Âgé d’une soixantaine d’année, il se rend régulièrement au Mali où il a une plantation de mangue. Originaire de Dinangourou, dans le cercle de Koro, région de Mopti, Younoussa Haya vit au Burkina depuis plus de 30 ans. Il est considéré par la communauté malienne de Ouagadougou comme un médiateur. C’est chez lui également que des déplacés maliens logent avant de trouver un travail. « Parfois je peux recevoir au moins une dizaine de déplacés par jour. Je partage avec eux le peu que je possède et les aide à avoir facilement des pièces d’identité », affirme le vieil homme. Younoussa Haya remercie les autorités des deux pays qui lui facilitent ce travail.
« Résoudre cette crise »
« Mon souhait est que la paix revienne au Mali, exprime t-il. Je gagne bien ma vie mais je ne peux m’estimer heureux car mes frères et sœurs restés au pays ne le sont pas. C’est déplorable que les frères d’un même pays se tuent. Il faut que les jeunes se donnent la main, qu’ils sachent que seules l’union et la cohésion peuvent résoudre cette crise ».
Younoussa Haya invite également les médias à user de leur influence pour apaiser le climat. En attendant de pouvoir se rendre au Mali, Younoussa Haya se réjouit de la présente campagne agricole. En plus du Mali, il a aussi un champ de céréales à Ouagadougou. La moisson a été bonne et son commerce de sel est lucratif.
Moumine Sindébou