Inoussa Ouédraogo est un jeune journaliste burkinabè. En plus de cette casquette, il est aussi le président du centre Valère Somé pour l’innovation politique et le développement endogène en Afrique. A l’occasion de la 16 e édition du festival ciné droit libre, le centre qu’il pilote a été associé à l’organisation du dialogue démocratique entrant dans les activités du festival. Dans cet entretien qu’il a accordé à Studio Yafa, il revient sur l’initiative et la pertinence de la thématique du dialogue démocratique.
Studio Yafa: Qu’est-ce qui justifie cette initiative de dialogue démocratique ?
Inoussa Ouédraogo: Depuis quelques mois, le centre Valère Somé s’investit dans l’organisation de formation et de conférence pour la jeunesse. Nous sommes partis du principe que de la qualité de nos citoyens et de la qualité de nos dirigeants dépendra la qualité du développement qu’on aura. Or, il se trouve que nos jeunes, ces dernières années, ont été déconnectés de la chose politique. On leur a fait croire que la politique est diabolique, que c’est le lieu du mensonge, de la délation, du détournement, de la corruption et de tous les maux qui minent l’Afrique. Par conséquent, ils estiment qu’il ne sert à rien pour eux de s’intéresser à ces questions. Nous nous disons pourtant qu’il faut faire l’inverse. C’est le lieu où il faut s’investir par qu’il s’agit de la gestion de la cité, il s’agit de l’avenir de nos enfants, il s’agit du développement du continent et il faut donc se former au niveau politique, idéologique, social, géopolitique et géostratégique pour pouvoir comprendre les enjeux qui nous entourent et pouvoir contribuer au développement de l’Afrique. C’est fort de cela que nous nous sommes lancés dans l’organisation d’une série de conférences au profit de la jeunesse.
Pourquoi avoir choisi d’aborder le thème ‘’quelle démocratie pour nos enfants ‘’?
On est parti du principe que le système de gouvernance qui est appliqué aujourd’hui dans la plupart des pays africains c’est la démocratie. Au début des années 90, après le discours de la Baule du président français François Mitterrand qui est considéré comme le discours qui a consacré le début du processus démocratique actuel en Afrique, plusieurs personnes se disaient que la démocratie sera finalement la solution aux problèmes qui minent le continent parce que la démocratie supposait plus d’ouverture, plus de liberté d’expression, plus de respect des droits humains et que la démocratie allait apporter le développement. Mais plus de 30 ans après ce discours, on se rend compte que la démocratie telle qu’elle est appliquée en Afrique et telle que nous la vivons comporte des problèmes. Est-ce que si on continue dans ce système électoraliste où se sont les plus riches qui gagnent toujours les élections et où souvent ce sont les militaires qui s’invitent dans la démocratie en faisant des coups d’Etat, on va s’en sortir ?
Il faut donc selon vous inventer une démocratie propre au continent ?
Oui. Il s’agit pour les Africains eux-mêmes, les Burkinabè eux-mêmes, de réfléchir pour la postérité, à quel type de démocratie nous voulons pour nos enfants parce que nous estimons que pour nous, les carottes sont presque cuites. Il s’agit aussi de changer de paradigme pour permettre à nos enfants et aux futurs dirigeants de ce pays de mener des modèles de démocraties qui sont propres à nos valeurs et qui tiennent compte de notre contexte, de notre évolution et de notre histoire pour permettre d’amorcer un véritable développement.
Ce genre d’initiatives portées par des jeunes pour des jeunes peuvent-elles booster l’engagement citoyen de la jeunesse ?
Je pense que de plus en plus les gens ont compris qu’il n’y a pas d’autres solutions aux défis qui s’imposent à nos pays que de s’engager véritablement en toute responsabilité, en militant en faveur des droits humains et en militant en faveur d’une démocratie réelle qui prend en compte les préoccupations des populations, en humanisant la démocratie, c’est-à-dire en faisant en sorte qu’on ne mette pas des milliards pour organiser des élections pour des peuples affamés. Je pense que de ce point de vue, notre message est en train d’être compris. Il y a bien entendu d’autres initiatives de ce genre portées par d’autres organisations qui travaillent en sorte que les jeunes puissent s’approprier eux-mêmes les valeurs démocratiques. Jusqu’à présent, ce n’est pas le cas. Mais progressivement, je pense qu’on parviendra à faire en sorte que les jeunes africains s’engagent de plus en plus.