Au lendemain du coup d’Etat, la mythique place de la nation a été investie par des milliers de manifestants euphoriques. Si pour certains le putsch a même tardé à venir tant les voyants étaient au rouge, pour d’autres, les nouvelles autorités devraient commencer à choisir des partenaires « sincères » dans la lutte contre le terrorisme.
Heureux comme des supporters dont l’équipe vient de gagner un match. Drapeaux en main, ils sautent et crient de joie, tiennent à parler au micro des journalistes. Appareils de musique sur place, certains jouent de la musique militaire et se mettent au garde-à-vous, comme pour traduire leur révérence aux militaires.
Leader d’une organisation de la société civile de Djibo, Zakaria Belem qui séjourne dans la capitale n’a pas voulu se faire conter cette manifestation. Originaire de cette province considérée comme là où l’hydre terroriste est partie, le jeune homme espère que les militaires arriveront à pacifier sa province et le Burkina.
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« Nous vivons l’enfer au Soum, là où le terrorisme a commencé. A l’heure où je vous parle, il n’y a pas une seule goutte d’essence à Djibo. Nous espérons que les nouvelles autorités vont apporter du souffle à la province du Soum. Le Burkina est en lambeau. Il ne faut surtout pas que l’armée nous envoie dans une voie sans issue », déclare-t-il avec enthousiasme.
Leader d’une organisation de la société civile, Hervé Ouattara a récemment séjourné en prison. Il avait été mis aux arrêts pour avoir contribué à organiser une marche non autorisée en vue de réclamer la démission du président Roch Kaboré. Au milieu de la foule, c’est un homme désormais libre qui parle.
« Tous les ingrédients étaient réunis pour que nous aboutissions à ce que nous vivons aujourd’hui. Le coup d’Etat était inévitable, les burkinabè appelaient cela de tous leurs vœux, dans la mesure où nous étions en train de toucher le fond, parce que le président n’a pas réussi à trouver les solutions pour venir à bout de l’hydre terroriste. Pis, la question de la gestion de la chose publique était scabreuse au point que le peuple ne s’y retrouvait plus », déclare-t-il.
Les drapeaux russe et malien brandis
Certains manifestants sont venus sur cette place, jadis appelée place de la révolution, avec des messages particuliers. Sana Boubacar lui brandit, un drapeau russe. Le jeune homme espère que les nouvelles autorités travailleront avec le pays de Vladimir Poutine. « Les russes travaillent honnêtement avec leurs partenaires, ce n’est pas comme la France. Depuis des années que nous coopérons avec la France dans la lutte contre le terrorisme, mais on ne voit rien comme résultats », croit-t-il savoir, sous l’approbation de ses camarades.
Sans le dire, Hervé Ouattara lui aussi invite les nouvelles autorités à faire un choix judicieux des partenaires sur le front de la lutte antiterroriste. « Tout ce qui concerne la coopération entre notre Etats et les Etats européens qui n’arrivent pas à faire notre affaire, doit cesser. A partir de maintenant, nous devons prendre notre indépendance véritable et nous assumer comme indépendant », argue le manifestant.
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Nombré Harouna Bassidou, en plus du drapeau national, tient aussi celui du Mali. Selon lui, le Lieutenant-Colonel Paul-Henri Damiba devrait travailler avec le Colonel Assimi Goïta. « Si je tiens un drapeau malien, c’est pour soutenir le peuple malien qui croupi sous le poids des sanctions de la CEDEAO. Nous sommes pays frères, en tant que africains, il n’y a pas de frontières », soutient-il.
Préparer pour les sanctions
Plusieurs instituons ont déjà condamné le coup d’Etat perpétré par l’armée. Le visage de Issa Zoungrana devient grave quand il parle de ces institutions qui prônent le respect des valeurs démocratiques. « On parle de démocratie dans un Etat de paix et non en crise. Nous sommes présentement plus de 2 millions de personnes sans maison. Le Burkina se vide à l’Est, à l’Ouest et au Nord. On ne peut pas faire des élections avec des moutons, ce sont des hommes qui votent. Nous demandons à la CEDEAO, à l’Union africaine, à l’Union européenne d’œuvrer pour qu’il y ait la paix au Burkina avant de venir nous parler de démocratie », enrage-t-il.
Pendant ce temps, certains manifestants appellent à la mobilisation pour accorder un accueil spécial aux émissaires qui viendront en négociation. Des manifestants croisés à la place de nation rassure qu’ils n’ont pas une confiance aveugle à l’armée. Ils rassurent qu’ils resteront vigilants durant le temps de la transition qui reste à déterminer.
Tiga Cheick Sawadogo