De l’enthousiasme au dépit. Heureux de retrouver les siens au Mali, après 7 ans passés en Italie, l’ancien migrant Siékoné a vite déchanté. De l’aéroport de Ouagadougou où il a atterrit la veille, il squatte la gare d’une compagnie de transport avec ses camarades. Il regarde la route qui mène à son Mali natal, mais point de car pour l’emprunter, les frontières étant fermées.
Ambiance contrastée dans l’enceinte de cette gare d’une compagnie de transport à Ouagadougou. Des femmes s’affairent à la cuisine où s’échappent la fumée et le parfum qui donnent une idée du menu du jour. C’est le ramdam quotidien, le tout dans une bonne ambiance. Un autre groupe composé de d’homme devise autour d’une théière posée sur un petit fourneau. Ils n’ont visiblement pas les cœurs en joie.
Siékoné et ses camarades cherchent une solution à une équation : comment arriver au Mali, alors que les frontières sont fermées ? « C’est vraiment dégoutant. En tant que pays frères, les frontières sont fermées entre nous. On a quitté l’Italie et nous sommes passés par le Burkina pour rentrer au pays et voici que la frontière est fermée. C’est un problème profond », entame Siékoné, l’air dépité. La décision de la fermeture des frontières est tombée alors que lui et ses camarades avaient déjà fait leurs réservations.
Trop tard pour reculer
« Depuis l’Italie, nous avons appris que les frontières sont fermées, mais nous avions déjà acheté nos billets, nous ne pouvions plus annuler. Il fallait venir seulement et voir ce que ça va donner. On ne sait pas quoi faire, ce qui est sûr, on ne pas aussitôt retourner en Italie ? Nous sommes venus voir nos familles qu’on n’a plus revues depuis 2015 », ajoute celui qui dit avoir traversé le désert en 2015 pour rejoindre l’Europe.
Alors qu’il a désormais ses papiers et peut voyager sans crainte, le plaisir de retrouver sa famille et ses amis est quelque peu hypothéqué. « Tout le monde nous attend à Koutiala, les gens disent que leur frère vient de l’Europe, mais on va finir par dépenser tout notre argent avant de les revoir », soupire-t-il.
La Guinée si loin, si proche
Dans cette même gare sous une gare, couchés sur des nattes Mamadou Sallé et ses camarades discutent aussi sur leur sort. Cela fait maintenant trois jours qu’ils dorment là, dans la fraîcheur. Rapatrié de l’Algérie, Mamadou est de passage au Burkina d’où il veut continuer au Mali pour enfin rallier son pays, la Guinée.
« On m’a largué dans une ville du Niger qu’on appelle Assamaka dans le désert. Environ une semaine après, j’étais fatigué et comme je n’avais pas d’argent pour manger, je suis parti. J’ai appelé mon frère qui m’a envoyé un peu d’argent pour venir à Ouaga. Je cherche maintenant la route pour aller au Mali et continuer en Guinée », explique-t-il, avant de fustiger vigoureusement la décision des pays membres de la CEDEAO de fermer leurs frontières avec le Mali.
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Siékoné, Mamadou et les autres voyageurs bloqués que nous avons rencontrés le disent à demi-mot ; ils vont passer la frontière. Même s’ils savent à quoi s’attendre. « La gendarmerie et la police vont nous racketter. Avec mes les 10 000, 5000, 2000 ou 1000 F CFA qu’on va payer, on risque de dépenser notre budget sur la route », reconnait le jeune homme.
Mais à ce stade, il est prêt à se plier pour que rien ne lui prive des retrouvailles avec sa famille. Lors du 4e sommet extraordinaire des chefs d’États de la CEDEAO le 9 janvier 2022, des sanctions ont été prises contre le Mali. Parmi elles, la fermeture des frontières avec les pays membres de l’organisation.
Tiga Cheick Sawadogo