Partis en voyage pour des évènements sociaux ou en fuite, des jeunes ressortissants de Madjoari et Pama (province de la Kompienga, région de l’Est) sont restés bloqués à Ouagadougou dans la capitale burkinabè. Ils restent sans nouvelles de leurs proches. Les antennes des réseaux de téléphonies mobiles ont été saccagées par des terroristes.
C’est dans une cour à Saaba, commune située à l’Est de Ouagadougou qu’une dizaine de personnes déplacées restent bloquées. Pour accéder à la concession, il faut se faufiler entre quelques habitations construites en terre battue et d’autres en matériaux définitifs dans ce quartier « non loti ».
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Dans la cour, Mariam Natama, malgré sa grossesse presqu’à terme, assise entre des foyers de trois pierres, sert du couscous traditionnel cuit avec des feuilles de haricots dans plusieurs plats. Des pleurs de certains enfants sont mêlés aux cris et aux rires d’autres. Dans cette vaste cour, acquise par l’ancien maire de Madjoari (Province de la Kompienga) vivent 17 personnes. « Il faut compter plutôt 18 personnes », lance dans un éclat de rire Mariam Natama, faisant allusion au bébé qu’elle va bientôt mettre au monde.
Des familles divisées
Thomas Ouédraogo, vit dans cette cour avec ses deux enfants. Après un voyage à Yako pour des raisons sociales, il décide de retourner à Madjoari. Impossible. « La voie était bloquée et je suis resté à Ouagadougou. Ma femme est à Pama avec trois autres enfants », explique Thomas Ouédraogo.
Depuis près d’un mois, il n’a aucune nouvelle de sa famille restée à Pama après avoir fui Madjoari. Les terroristes ont saccagé les antennes des réseaux de téléphonie mobile. « La dernière fois que j’ai eu des nouvelles, on me disait qu’il n’y avait plus à manger et tout manquait sur le marché. Il y avait aussi des problèmes d’eau », rapporte-t-il. Thomas Ouédraogo dit n’avoir aucun moyen pour entrer en contact avec sa famille.
Son angoisse est partagée par Taladia Tankoano. Sa deuxième épouse et ses quatre enfants n’ont pu venir avec lui. La famille se trouve ainsi divisée. « Avant au moins, j’avais des informations de ma famille. Mais depuis quelques temps, ils ont coupé les réseaux. Les cars de voyage ne partent plus. A moto ou à vélo, impossible de rejoindre Madjoari. La limite, c’est Fada alors que moi je n’ai pas de famille là-bas » explique-t-il.
La nostalgie
Ce paysan se dit nostalgique de son passée à Madjoari. Agriculteur, il n’éprouvait aucune difficulté à nourrir sa famille. Il a du mal à s’adapter à cette nouvelle vie loin des siens. « Nous n’arrivons pas souvent à dormir parce que tu n’as aucune information et c’est vraiment difficile à supporter. Ils n’ont pas de nos nouvelles. Nous n’avons pas de leurs nouvelles », regrette Taladia Tankoano.
Pour nourrir toute cette communauté, Mariam Natama a recours aux feuilles comestibles comme compléments. « Tu as vu ce qu’on a mangé à midi ? Il nous faut mélanger avec des feuilles pour que nous ayons tous à manger parce que nous sommes nombreux sinon un sac de riz ne fera pas un mois », lance-t-elle dans un éclat de rire.
Adjima Thiombiano, ancien maire de Madjoari a dû fuir la commune pour rallier Pama avant de rejoindre Ouagadougou. Il arrive à communiquer avec des jeunes qui ont acquis des puces de pays voisins, le Togo notamment.
Pour ces déplacés, en attendant d’avoir des nouvelles de leurs parents, ils espèrent avoir du travail et regagner plus tard leur localité. Le dimanche 13 mars 2022, une coalition des ressortissants de la Kompienga a dénoncé le blocus de la localité par les terroristes et souhaité une opération militaire pour libérer la zone. L’armée a aussi annoncé la mort de 13 soldats suite à une embuscade à Natiaboani sur l’axe Pama-Fada.