Burkina : Sud-Ouest, l’or ou la mort… (3/4). A 24 ans, Issouf Gondé a déjà parcouru des sites d’exploitation artisanale d’or du Burkina, du Sénégal, du Mali et de la Côte d’Ivoire. Après son échec au Baccalauréat, il a abandonné l’école et espère faire fortune dans l’orpaillage. Portrait.
Un temps de répit après une nuit passée à plus de 20 m sous terre. Tout sourire, Issouf Gondé échange avec son ami sous un hangar. Alors que le soleil pointe son nez, le site d’orpaillage Ourbi, un village situé à une galerie de creuseur de Gaoua, grouille de monde. Ceux-là lavent des pierres concassées et réduites en poudre, pendant que d’autres prennent place devant des restaurants de fortune.
C’est dans cet environnement qu’Issouf Gondé vit depuis environ 5 mois. Quand il n’est pas dans une galerie, c’est là qu’il reprend des forces, aère son esprit. Natif de Bobo dioulasso, deuxième plus grande ville du Burkina, le jeune homme est arrivé à Ourbi avec un ami, avec la ferme conviction d’y repartir avec sa part du trésor. L’essentiel de son temps, il le passe dans les galeries, des profonds trous pouvant atteindre plus de 20 m.
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« Nous sommes 20 pour deux équipes 24h/24h. L’une travaille à l’intérieur la nuit et l’autre le jour. Il n’y a pas de jour de repos. Nous descendons dans les galeries à tour de rôle. Ceux qui étaient à l’intérieur aujourd’hui restent dehors demain et tirent (Ndlr. les blocs de pierres dans des sacs), et vice versa », explique le jeune orpailleur.
Malgré plusieurs mois de descente, le trou ne s’est toujours pas transformé en caverne d’Ali Baba pour Issouf, mais son espoir brille toujours, inébranlable. « Il y a des gens qui ont eu beaucoup d’or, nous gardons aussi espoir que notre jour viendra », dit-il. Mais en attendant, il gagne juste de quoi vivre, entre 10 000 et 50 000 F CFA de temps en temps.
Orpailleur international
Issouf Gondé a toujours travaillé sur les sites d’orpaillage même comme écolier. C’est grâce à cette activité pendant les vacances qu’il payait sa scolarité. Sa chasse aux pépites d’or l’a amené dans plusieurs pays de la sous-région : Mali, Sénégal et Côte d’Ivoire. Une odyssée pour le jeune homme…
Son souvenir le plus marquant ? Ses yeux s’illuminent : en Côte d’Ivoire, il est tombé sur une pépite qui lui a rapportée entre 5 et 6 millions de F CFA. « Avec cet argent je me suis acheté une moto et un terrain non loti à Bobo », explique le jeune orpailleur, avec un brin de nostalgie. « Nous gagnons souvent, seulement ça fini quoi ! L’argent est ce qu’il est ».
Comme si cela avait dopé sa hargne de travail, depuis deux ans, Issouf espère que la chance va lui sourire à nouveau. La prochaine fois, il en est sûr, le magot sera encore plus élevé.
Des galeries souterraines à la place d’études supérieures
Chaque métier comporte ses risques et l’orpaillage n’est pas une exception. C’est la conviction qu’Issouf s’est faite. Plonger dans le ventre de la terre et y rester pendant plusieurs heures voire plusieurs jours est un toujours risque.
Mais pour l’ancien élève du lycée Aimé Césaire de Bobo, il n’y a rien d’extraordinaire. « C’est vrai qu’il y a des accidents et des morts. Mais chacun a son destin. Si c’est ton destin de mourir dans une galerie, tu vas mourir là», se convainc-t-il. Mais sa voix devient triste lorsqu’il évoque ses amis ensevelis sous des éboulements. « Ici même, j’ai perdu un ami dans le trou. On se suivait partout, on descendait ensemble».
Quand un tel drame arrive, c’est certes le choc, mais pas question d’abandonner. « Nous sommes préparés à toute éventualité. C’est la volonté de Dieu (…) il faut être courageux pour être un orpailleur ». Quand les médias parlent d’une explosion ou d’un éboulement sur un site d’orpaillage, les parents restés en Côte d’Ivoire font crépiter le téléphone pour se rassurer.
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Considéré comme « l’intellectuel des galeries », parce qu’étant allé ‘’plus loin’’ dans les études comparativement aux autres orpailleurs, Issouf est souvent sollicité sur le site, soit pour lire ou écrire des messages, soit pour consulter un solde ou envoyer de l’argent.
Notre intellectuel conscient de la difficulté pense à une reconversion. Mais à une condition : « Si je gagne 8 à 10 millions aujourd’hui même je suis prêt à arrêter. Ouvrir une quincaillerie, une petite boutique de télécom ».
En attendant ce jour béni, Issouf Gondé creuse encore. Depuis quelques jours, lui et son équipe sont presque arrivés à la roche qui, selon eux, renfermera le bon filon. « Quand nous arriverons à ce niveau, il n’y a rien à faire, il y aura à manger (…) Nous allons terminer nos chantiers ». Beaucoup de détermination avant d’esquisser un sourire, comme s’il tenait déjà un gros lingot entre les mains. Les yeux brillants comme… des diamants.
Tiga Cheick Sawadogo