Les personnes déplacées du village de Tougou vivent difficilement le mois de carême. Elles qui avaient tout pour réussir et rompre leur jeûne sont obligées d’adapter leur alimentation.
Près d’une trentaine de tentes se dressent au secteur 1 de Ouahigouya, prévient déjà le visiteur qui précise être sur un site de déplacés. Sous une de ces nombreuses tentes, une dame prépare les plats de l’iftar, le repas marquant la rupture du jeûne. Aujourd’hui au menu: du riz à la sauce arachide. Un repas faste en cette période de ramadan mais aussi de la cherté de la vie.
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Non loin de là, une autre dame pile du petit mil dans un mortier pour le « zoom koom », boisson de mil. Bien que le soleil commence à décliner, la chaleur est forte. Ces déplacés ont fui les tentes pour rechercher de l’air.
Le ramadan loin du village
Karim, le chef de famille, nous accueille sur le site. « Le carême, quand on le faisait au village et ici ce n’est pas pareil », explique Karim, le visage étiré. Il y a quatre mois, Karim a dû fuir avec sa famille, le village de Tougou pour Ouahigouya, à une vingtaine de kilomètre. Il ne s’attendait pas à passer le ramadan loin de son village, sans aucun travail. Pour ce ramadan, il doit prendre en charge 9 personnes sous son toit ainsi sans compter les femmes de ses frères et leurs enfants au nombre de six.
Malgré les conditions difficiles, Karim et sa famille ont décidé d’observer le quatrième pilier de l’islam : le jeûne. Mais, il dit faire avec les moyens du bord pour prendre son suhûr, repas de l’aube et l’Iftar en cette période sacrée. « Au village, on produisait les légumes, les carottes, les choux, les salades et on s’en servait comme on voulait. Le jeûne ici et au village, il n’y a pas de comparaison. C’est compliqué. Avoir le simple sucre, c’est difficile. Quand les femmes gagnent de la farine, elles préparent du tô et de la sauce de feuille de baobab, c’est ce qu’on consomme à la rupture », raconte Karim, d’un ton amer.
Pourtant, le village de Tougou était avant la fuite des habitants, une zone de production d’oignons, de choux, de pomme de terre etc. Il alimentait même la ville de Ouahigouya.
On manque de tout
Coincée entre deux tentes avec six autres femmes et enfants, Sanata Nacanabo s’affaire également. Certaines préparent et d’autres apportent leur aide. Koulsouma a encore ces bons souvenirs de ces moments de ramadan à Tougou : « Pour le mois de jeûne au village, on avait du mil qu’on pilait pour avoir du Zoom koom. On avait l’eau douce qu’on puisait directement au puits, on avait nos oignons, nos poissons pour la cuisine et il n’y a pas de problème. Mais ici on ne peut pas avoir tout ça. C’est la souffrance, même pour avoir à manger correctement ».
Mais pour Sanata Nacanabo, tant qu’il y a la santé, rien n’empêche de jeûner malgré la canicule en ce mois d’Avril où les températures sont habituellement élevées. « On continue le jeûne c’est parce que c’est une habitude sinon…même nos tentes ici, quand il y a un peu de soleil. Il fait tellement chaud à l’intérieur, dehors aussi il n’y a pas d’ombre », constate Koulsouma.
Les bonnes habitudes n’ont pas changé. A l’heure de la rupture, ils disent se réunir en groupe pour une rupture collective du jeûne. Ensuite, vient l’heure de la prière. Dans la multitude d’intentions qui peuvent fourmiller dans les cœurs des pénitents, une est comme commune: le retour de la paix pour bientôt afin de regagner leur village.
Patrice KAMBOU
Correspondant à Ouahigouya