Quand le football rapproche Ivoiriens et Burkinabè. À l’occasion de la 34e édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2023 qui se tient en Côte d’Ivoire, les supporters ivoiriens et burkinabè font preuve de solidarité malgré les tensions politiques qui peuvent parfois exister.
Au « village CAN du Burkina Faso » situé au quartier communément appelé « Camp Commando », du fait du camp de la gendarmerie qu’il arbitre, un grand monde assiste au match entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. La majorité est composée d’Ivoiriens. Mais à table, on remarque un jeune qui porte un habit des Etalons, le nom de l’équipe nationale de football du Burkina Faso. Abdoul Karim Ouédraogo partage un verre avec un groupe d’Ivoiriens tout en suivant le match.
« Quand le Burkina ne joue pas, c’est la Côte d’Ivoire que je supporte. Donc, je suis avec mes frères Ivoiriens pour les soutenir », avoue-t-il. « C’est ainsi vieux père. Demain, nous irons supporter le Burkina Faso aussi. On est voisins, on doit se soutenir », répond l’un d’entre eux en tapotant le Burkinabè sur l’épaule.
Les questions politiques sont évitées, car ils savent qu’elles peuvent créer des tensions. C’est le cas, lorsqu’on pose la question. « Laissez tomber ça. Si vous considérez tout ce qui se dit sur Facebook, vous allez croire que les Ivoiriens et les Burkinabè se détestent alors que ce n’est pas le cas », explique Armand, tout gêné. Ils préfèrent ne parler que de football.
Ivoiriens et Burkinabè partagent les mêmes émotions
Pendant les 90 minutes de jeu, ils vivent les mêmes émotions. C’est ensemble qu’ils désapprouvent les décisions des arbitres quand ils jugent défavorables à la Côte d’Ivoire, qu’ils sursautent quand les Éléphants ratent une occasion ou sont près d’encaisser. Les mines sont toutes serrées quand le Nigeria marque et bat la Côte d’Ivoire.
Bien que de nationalités différentes, ces jeunes supporters ont fait des Etalons leur équipe nationale. « C’est le Burkina Faso qui joue contre l’Algérie. J’accompagne mon frère Burkinabè pour soutenir le Burkina qui est un pays voisin », affirme le jeune Ivoirien.
Pour lui, quand la Côte d’Ivoire ne joue pas, le Burkina Faso devient automatiquement sa deuxième patrie. La plupart de ses amis sont des Burkinabè nous explique-t-il. Moussa, drapé du drapeau du Mali défend aussi la même cause.
Deux communautés toujours ensemble
Tout aussi pressé, Siaka Ouattara et Adama Zida rejoignent les tribunes du stade de la paix de Bouaké. Siaka, portant un maillot des Eléphants de la Côte d’Ivoire tient un drapeau du Burkina Faso. « Je suis Ivoirien. Je suis venu supporter le Burkina qui est un pays frère par rapport à l’adversaire. La preuve ce monsieur que vous voyez est mon ami », dit-il en désignant Adama. Les deux ont parcouru 270 km environ pour aller supporter les Étalons.
« Oui, nous sommes toujours ensemble. On ne peut pas passer une journée sans se voir. C’est pour cela qu’on est venus suivre le match ensemble », explique à son tour Adama Zida. Lorsqu’on évoque la situation politique parfois tendue, les deux hommes se refusent à des commentaires estimant qu’ils ne font pas de la politique.
La solidarité entre les supporters ivoiriens et burkinabè n’est pas nouvelle. Elle s’explique par les liens historiques, géographiques et culturels qui unissent les deux pays, qui partagent une frontière commune de plus de 500 kilomètres. De nombreux ressortissants burkinabè vivent et travaillent en Côte d’Ivoire, et vice-versa même si les deux pays connaissent parfois des tensions au niveau politique. Presque chaque famille Burkinabè a un ressortissant en Côte d’Ivoire.
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Danielle, une jeune fille se rend au stade accompagnée d’amis. Elle a décidé de soutenir le Burkina Faso du fait des liens de proximité. « La grand-mère de ma fille est Burkinabè. Donc, quelque part je suis aussi Burkinabè », dit-elle dans un éclat de rire.
Durant ce match, c’est presqu’à l’unisson que les supporters burkinabè et ivoiriens ont poussé les Étalons tenus finalement en échec (2-2). Mais qu’en sera-t-il si le Burkina Faso affronte la Côte d’Ivoire en finale ? Là, les positions sont tranchées. Chacun supporte son pays répondent-ils presqu’en chœur sous un air de plaisanterie et défi.
Boukari Ouédraogo
Envoyé spécial à Bouaké